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Licenciement collectif pour motif économique

L’employeur ne doit pas définir de façon trop restrictive les catégories professionnelles visées par un licenciement économique

Lorsqu’une entreprise d’au moins 50 salariés projette de licencier au moins 10 salariés en 30 jours – licenciement collectif pour motif économique avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) –, l’accord collectif ou, à défaut, le document unilatéral élaboré par l’employeur doit indiquer, entre autres éléments, le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées (c. trav. art. L. 1233-24-2 et L. 1233-24-4).

La notion de « catégorie professionnelle » est capitale, puisqu’elle permet d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’appliqueront les critères d’ordre des licenciements (c. trav. art. L. 1233-5). Ce périmètre ne doit pas être défini de façon trop restrictive, car cela revient à identifier précisément les salariés qui seront licenciés et, d’une certaine manière, à court-circuiter les critères d’ordre. C’est ce qui a été reproché à un enseigne de la grande distribution dans cette affaire.

Le document unilatéral relatif au licenciement collectif pour motif économique identifiait comme seule catégorie professionnelle concernée celle regroupant les salariés affectés à la vente de disques. Pour le Conseil d’État, le DIRECCTE n’aurait pas dû homologuer un document unilatéral qui ciblait ainsi les vendeurs de disques, alors que les vendeurs de livres relevaient à l’évidence de la même catégorie professionnelle.

On notera que le Conseil d’État, qui a hérité du contentieux relatif au licenciement avec PSE depuis la loi de sécurisation de l’emploi (c. trav. art. L. 1235-7-1 ; loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 185-XXV, JO du 16), reprend ici la notion de catégorie professionnelle telle que définie par la Cour de cassation, à savoir un ensemble de salariés « qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune » (cass. soc. 13 février 1997, n° 95-16648, BC V n° 63). Au vu de cette définition, les juges ont donc considéré que les vendeurs de disques et les vendeurs de livres appartenaient à la même catégorie professionnelle, compte tenu, d’une part, de la nature de leurs fonctions et, d’autre part, de leurs formations de base, des formations complémentaires qui leur étaient délivrées et des compétences acquises dans leur pratique professionnelle.

La décision d’homologation du DIRECCTE ayant été annulée par le Conseil d’État, les salariés licenciés pourront demander leur réintégration (sachant que cette réintégration est subordonnée à l’accord de l’employeur) ou obtenir une indemnité d’au moins 6 mois de salaire (c. trav. art. L. 1235-16).

Il convient de noter que l’affaire traite de la catégorie professionnelle sous l’angle du licenciement avec PSE, mais que cette question concerne plus généralement tout licenciement pour motif économique, qu’il soit collectif ou individuel (c. trav. art. L. 1233-5 et L. 1233-7).

Dernière précision, et non la moindre : le Conseil d’État décide que la décision par laquelle le DIRECCTE valide un accord collectif PSE et celle par laquelle il homologue le document unilatéral sont divisibles.

En effet, l’entreprise qui envisage un licenciement avec PSE peut opter pour l’accord collectif ou pour le document unilatéral, mais elle peut également utiliser ces deux instruments : l’employeur négocie le contenu du PSE, qui prend alors la forme d’un accord collectif, et décide unilatéralement des autres aspects du licenciement (calendrier, critères d’ordre, etc.).

C’est ainsi qu’avait procédé l’employeur dans cette affaire. Or, celui-ci estimait que le comité central d’entreprise et le syndicat à l’origine de l’action en justice ne pouvaient pas réclamer l’annulation de la décision d’homologation du document unilatéral sans attaquer également la décision de validation de l’accord-PSE.

L’argument est rejeté par le Conseil d’État, qui consacre donc l’autonomie de ces deux documents en cas de contentieux.

Notons que cette décision est quelque peu en contradiction avec la position de l’administration, qui estime que le DIRECCTE doit se livrer à une appréciation globale de l’accord collectif et du document unilatéral et qu’il ne peut pas refuser de valider l’un et homologuer l’autre ou l’inverse (instr. DGEFP/DGT 2013-13 du 19 juillet 2013, fiche 2, § 3.2.4).

CE 30 mai 2016, n° 387798

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