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Un décret précise les modalités d’application de l’action de groupe, créée par la loi Sapin 2

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016, plus connue sous le nom de loi « Sapin 2 », a reconnu et encadré l’action de groupe. À l’intérieur de ce cadre juridique général coexistent plusieurs régimes particuliers, dont un spécifique à la discrimination dans les relations de travail (loi 2016-1547 du 18 novembre 2016, art. 87, JO du 19).

Pour rappel, cette action permet à un syndicat représentatif de saisir le tribunal de grande instance (TGI) lorsque des salariés ou des candidats à l’emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif discriminatoire et imputable à un même employeur. L’action peut aussi  être engagée, sous certaines conditions, par une association dédiée à la lutte contre les discriminations, mais uniquement au profit de candidats à un emploi ou à un stage.

Le syndicat ou l’association peut demander la cessation des pratiques discriminatoires et, le cas échéant, la réparation du préjudice subi (c. trav. art. L. 1134-8). Dans cette deuxième hypothèse, si le juge conclut à la responsabilité de l’employeur, toute personne appartenant au groupe discriminé peut obtenir réparation, dans une certaine limite et sous réserve d’avoir préalablement adhéré au groupe. L’adhésion ferme la voie à toute action en réparation complémentaire devant le conseil de prud’hommes (loi 2016-1547 du 18 novembre 2016, art. 60 à 84 ; c. trav. art. L. 1134-6 à L. 1134-10).

Un décret précise les modalités d’application de l’action de groupe. Nous nous cantonnerons aux mesures susceptibles d’intéresser les entreprises.

Le décret indique ainsi que le TGI compétent est celui du lieu où demeure le défendeur (donc, dans le cas qui nous intéresse, le lieu où est implantée l’entreprise accusée de discrimination) (c. proc. civ. art. 826-3 nouveau).

Il détaille par ailleurs certaines modalités de l’action de groupe en cessation du manquement et, plus précisément, les modalités d’intervention d’un tiers. En effet, lorsque le juge constate l’existence de pratiques discriminatoires et enjoint à l’employeur de cesser ou de faire cesser ces pratiques, il lui impose de prendre dans un certain délai toutes les mesures utiles, le cas échéant sous astreinte et au besoin avec l’aide d’un tiers qu’il désigne (loi 2016-1547 du 18 novembre 2016, art. 65).

La réglementation précise que ce tiers est choisi parmi tout professionnel justifiant d’une compétence dans le domaine considéré (c. proc. civ. art. 826-6 nouveau).

Le juge définit sa mission et fixe le montant de la provision que l’entreprise devra consigner au secrétariat de la juridiction, en vue du paiement du tiers. Le coût de la mission est en effet à la charge de l’entreprise responsable de la discrimination (c. proc. civ. art. 826-8 nouveau). Dans certaines circonstances, le juge peut prolonger la mission ou ordonner la consignation d’une provision complémentaire (c. proc. civ. art. 826-11 et 826-12 nouveaux).

Une fois sa mission accomplie, le tiers remet son rapport au juge, accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties, par tout moyen permettant d’en établir la date de réception. L’employeur dispose alors d’un délai de 15 jours pour éventuellement adresser au tiers des observations écrites sur cette demande (c. proc. civ. art. 826-9 nouveau). Passé ce délai, le juge fixe la rémunération du tiers en fonction, notamment, des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni (c. proc. civ. art. 826-13 nouveau).

S’agissant de l’action destinée à obtenir la réparation du préjudice subi, le décret détaille le contenu du jugement (c. proc. civ. art. 826-14 nouveau). C’est en effet sur la base de cette décision que les victimes des pratiques discriminatoires vont éventuellement adhérer au groupe et former leur demande de réparation.

Le jugement détermine notamment la forme et le contenu de la demande de réparation, ainsi que le délai dans lequel elle doit être adressée. Cette demande, qui vaut adhésion au groupe, contient notamment les nom, prénoms et domicile de la personne intéressée, ainsi que, le cas échéant, une adresse électronique à laquelle elle accepte de recevoir les informations relatives à la procédure (c. proc. civ. art. 826-17).

La demande peut être adressée directement à l’entreprise responsable de la discrimination – il faut alors en informer le demandeur (le syndicat ou l’association) – ou au demandeur si la victime préfère lui confier la tâche de récupérer les sommes dues. À propos de cette deuxième hypothèse, le jugement indique que le fait d’adresser la demande de réparation au demandeur vaut mandat aux fins d’indemnisation et qu’il est possible de mettre fin à ce mandat à tout moment.

En cas de difficulté pour obtenir réparation, le jugement peut donner lieu à exécution forcée.

Ces règles sont entrées en vigueur le 11 mai 2017, de sorte qu’il est désormais possible d’intenter une action de groupe. Rappelons toutefois que les pratiques discriminatoires à l’origine de l’action doivent être postérieures au 19 novembre 2016 (loi 2016-1547 du 18 novembre 2016, art. 92).

Décret 2017-888 du 6 mai 2017, JO du 10

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