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Fiscal

Évaluation des apports

La sous-évaluation de près de 50 % d’un actif apporté est une libéralité justifiant un rehaussement d’IS

Les faits. Un contribuable A a fait donation à son fils de 14 % des actions détenues dans une société B dont il était dirigeant.

Ce dernier a immédiatement fait apport de ces actions, pour la même valeur unitaire, à la société C qu’il avait constituée avec ses frères et sœurs et dont il était le président et principal associé.

Estimant que la valeur d’inscription à l’actif de la société C des actions de la société B, correspondant à leur valeur d’acquisition ou d’apport, avait été minorée, l’administration a notifié à la société un rehaussement de son bénéfice imposable correspondant à la différence entre cette valeur comptable et la valeur réelle des actions.

Valeur des actions apportées. Après avoir écarté les termes de comparaison proposés par la société C, l’administration a adopté à la méthode suivie par l’expert-comptable et reprise par le commissaire aux apports, consistant à retenir une moyenne pondérée d’une valeur de comparaison, d’une valeur mathématique et d’une valeur de productivité. En l’espèce, le juge de l’impôt estime que l’administration a justifié la sous-évaluation des actions et notamment le taux retenu pour déterminer la valeur de productivité des titres en se fondant sur les taux de rendement des emprunts d’État à long terme, sur un taux d’érosion monétaire ainsi que sur la prime de risque historique du marché français et en tenant compte des risques économiques propres au secteur d’activité de la société.

Le juge écarte comme terme de comparaison une cession de 25 actions de cette société intervenue 9 années auparavant, alors que les opérations d’acquisition et d’apport en litige avaient porté sur 20 289 actions. Pour le Conseil d’État, les volumes très différents de ces opérations justifient d'écarter ce terme de comparaison, alors même que, à la suite des opérations d’acquisition et d’apport en litige, la participation de la société C dans B ne lui a pas donné de pouvoir de contrôle.

Bien-fondé du rehaussement. Si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est toutefois pas le cas lorsque la valeur d’apport des immobilisations, comptabilisée par l’entreprise bénéficiaire de l’apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées à l’entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l’actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit, en application de l’article 38, 2 du CGI.

Ainsi, lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société. La preuve d’une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l’administration lorsqu’est établie l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d’autre part, d’une intention, pour l’apporteur d’octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l’apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d’intérêts.

Dans cette affaire, un écart entre la valeur d’apport des titres et leur valeur vénale de presque 50 % est significatif. En conséquence, l’administration est regardée comme apportant la preuve, eu égard aux liens familiaux unissant les actionnaires des sociétés C et B en l’absence de tout élément de nature à renverser la présomption mentionnée ci-dessus, de l’intention libérale des parties. C’est sans erreur de droit qu’elle en a déduit que les sommes représentatives de ces libéralités devaient être soumises à l’impôt sur les sociétés.

CE 9 mai 2018, n° 387071

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