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La société absorbante peut être condamnée à une amende civile pour des pratiques restrictives de concurrence commises par la société qu'elle a absorbée

L’article L. 442-6 III du code de commerce issu de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'Économie prévoyait que le ministre chargé de l'Économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques restrictives de concurrence interdites. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile, dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros, à l'encontre de l'entreprise.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (notamment arrêt du 21 janvier 2014, n° 12-29166), ces dispositions permettent de sanctionner par une amende civile les pratiques restrictives de concurrence commises par toute entreprise, indépendamment de son statut juridique et sans considération de la personne qui l'exploite. Ainsi, l'amende civile peut être prononcée à l'encontre de la personne morale à laquelle l'entreprise a été juridiquement transmise, notamment lors d'une fusion-absorption.

La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité suivante : le fait que selon les dispositions de la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l'article L 442-6 du code de commerce, une personne morale bénéficiaire d'une fusion absorption peut se voir infliger une amende civile à raison de pratiques restrictives de concurrence imputables à la personne morale absorbée est -il conforme au principe de personnalité des peines selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait ?

Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l'article L 442-6 du code de commerce. Les Sages ont jugé que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de personnalité des peines. L'amende civile en cause, qui a la nature d'une sanction pécuniaire, a pour objet de préserver l'ordre public économique. L'absorption de la société auteur des pratiques restrictives par une autre société ne met pas fin aux activités qu'elle exerce, qui se poursuivent au sein de la société absorbante. Seule une personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d'une société dissoute sans liquidation est susceptible d'encourir l'amende prévue par les dispositions contestées.

Ainsi, la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l'article L 442-6 du code de commerce permet qu'une sanction pécuniaire non pénale soit prononcée à l'encontre de la personne morale à laquelle l'exploitation d'une entreprise a été transmise, pour des pratiques restrictives de concurrence commises par la personne qui exploitait l'entreprise au moment des faits. Les dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, ne méconnaissent pas, compte tenu de la mutabilité des formes juridiques sous lesquelles s'exercent les activités économiques concernées, le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait.

Conseil constitutionnel, 18 mai 2016, QPC, n° 2016-542

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