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La place du droit à la présomption d’innocence dans le licenciement d’un salarié fondé sur des éléments issus d’une procédure pénale

Lorsqu’un salarié est impliqué dans une affaire pénale pour des faits commis dans le cadre de son travail, l’employeur peut le licencier pour ces faits alors que le salarié n’a finalement pas fait l’objet de poursuites pénales. Il ne peut pas être reproché à l’employeur d’avoir violé le droit à la présomption d’innocence du salarié en agissant sur le fondement de pièces du dossier pénal auquel il a eu légitimement accès.

L’affaire : trafic de stupéfiants entre salariés

Courant 2013, plusieurs salariés d’un parc d’attraction ont été mis en cause et interpellés dans le cadre d’une enquête relative à un trafic de cannabis entre salariés.

L’un d’eux a fait l'objet d'une audition par les services de police. Par la suite, il n’a pas été mis en examen et n’a pas fait l’objet de condamnation dans le cadre de cette procédure pénale.

Quelques mois plus tard, l’entreprise s’est constituée partie civile et une copie du dossier pénal a donc été communiquée à son avocat. Dans ce contexte, elle a pris connaissance du contenu du procès-verbal (P-V) de l’audition du salarié.

En se fondant sur le contenu de ce P-V et d’autres pièces de la procédure pénale, l’employeur a licencié ce salarié pour avoir facilité et participé au développement d’un trafic de stupéfiants au sein de l’entreprise et avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur interdisant d’introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants au sein de l’établissement.

Ce salarié a contesté son licenciement en soutenant que le droit à la présomption d’innocence ne permettait pas à l’employeur de fonder son licenciement sur le contenu de ce P-V d’audition. S’il a obtenu gain de cause en appel, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision. L’affaire a donc été renvoyée en appel.

Le droit à la présomption d’innocence implique des poursuites pénales

Le droit à la présomption d’innocence, sur lequel le salarié a fondé son argumentaire, interdit de présenter comme coupable d’une infraction une personne qui est poursuivie pénalement mais qui n’a pas encore été condamnée.

Pour invoquer une violation de ce droit, il faut donc qu’il y ait des poursuites pénales. Or, dans cette affaire, si le salarié a été auditionné par les services de police, il n’a finalement pas fait l’objet de telles poursuites.

La Cour de cassation écarte ainsi l’argument fondé sur une violation de la présomption d’innocence. Elle relève que ce droit n’interdit en rien l’employeur de licencier un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement en se fondant sur des faits dont il a eu connaissance de manière parfaitement régulière au cours d’une procédure pénale.

La cour d’appel de renvoi devrait donc plutôt porter son attention sur le caractère fondé ou non du licenciement, compte tenu des pièces présentées aux débats par l’employeur.

Principe d’indépendance entre les procédures pénale et disciplinaire

La Cour de cassation rappelle que, en tout état de cause, l’exercice du pouvoir disciplinaire dont est investi tout employeur est indépendant des poursuites pénales pouvant être engagées pour les mêmes faits.

L’employeur, qui a connaissance d’agissements commis par un salarié à l’occasion d’une procédure pénale en cours, n’est donc pas tenu d’attendre l’issue de cette procédure pour notifier au salarié son licenciement (cass. soc. 28 janvier 2012, n° 11-10479 D).

Sur ce fondement, l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas plus le principe de la présomption d’innocence lorsqu’il prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale.

Cass. soc. 13 décembre 2017, n° 16-17193 FSPB

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