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Redressement Urssaf

Redressement de cotisations sociales pour avoir eu recours à de faux auto-entrepreneurs

Le statut de l'auto-entrepreneur a connu un succès certain, mais qui n’a pas toujours été sans abus. Surtout lorsque les intéressés, initialement salariés d'une société dont l'activité est la dispense de cours de soutien scolaire, et recrutés ensuite en qualité de formateurs sous le statut d'auto-entrepreneur sont, en réalité, restés sous un lien de subordination avec leur ex-employeur, comme le montre une affaire jugée le 7 juillet 2016 par la Cour de cassation.

Dans cette affaire, l’Urssaf a redressé la société pour un montant de 1 337 538 € (dont 1 177 420 € de cotisations et 160 118 € de majorations de retard), après avoir réintégré dans l’assiette des cotisations les rémunérations versées à des formateurs « recrutés » sous le régime de l’auto-entrepreneur.

La société a tenté de s’abriter derrière la présomption de non-salariat prévue par le code du travail au bénéfice des personnes physiques ou des dirigeants de personnes morales qui exercent une activité donnant lieu à immatriculation ou inscription sur les registres légaux de publicité (RCS, répertoire des métiers, etc.).

Tout en précisant que les personnes physiques exerçant sous le statut d’auto-entrepreneur sont présumées ne pas être liés à un donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité immatriculée, la Cour précise que cette présomption de non-salariat peut tomber s’il est établi que ces professionnels fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

En l’espèce, la Cour de cassation a validé l’analyse des juges du fond, qui ont estimé que des éléments de fait et de preuve faisaient ressortir que les formateurs recrutés sous le statut d’auto-entrepreneurs en 2009 étaient liés à la société par un lien de subordination juridique permanente.

Voici les éléments que les juges du fond ont pris en compte pour faire tomber la présomption de non-salariat et reconnaître l'existence d'un contrat de travail :

- les DADS révélaient que plus de 40 % des formateurs engagés en contrat de travail jusqu'en 2008, avaient été recrutés sous le statut d’auto-entrepreneur à compter de janvier 2009, ce statut étant entré en application à partir du 1er janvier 2009, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui avait mis en place ce cadre juridique de faveur ;

- ces formateurs recrutés ensuite sous le statut d'auto-entrepreneurs étaient liés par un contrat « de prestations de services » à durée indéterminée pour des cours de soutien scolaire et animation de cours collectifs ;

- ils exerçaient leur activité au profit et dans les locaux de la société de formation qui les partageait avec une société de formation auprès d’élèves qui demeuraient pourtant sa clientèle exclusive ;

- les cours de rattrapage étaient dispensés selon un programme fixé par la société et remis aux professeurs lors de réunions pédagogiques de sorte que l’enseignant n’avait aucune liberté pour concevoir ses cours ;

- les contrats de prestation prévoyaient une « clause de non-concurrence » d’une durée d’un an après la résiliation du contrat de prestation interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société et limitaient de ce fait l’exercice libéral de leur activité ;

- les contrats contenaient un mandat aux termes duquel l’auto-entrepreneur mandatait la société pour réaliser l’ensemble des formalités administratives liées à son statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires et le paiement des charges sociales et fiscales ;

- si selon le contrat, le formateur est libre d’accepter ou non la prestation, force est de constater que ce contrat était conclu pour une durée indéterminée, de sorte que le formateur n’est pas un formateur occasionnel mais bien un enseignant permanent ;

- aucune modification des conditions d’exercice n’était intervenue dans l’activité des formateurs initialement engagés comme salariés puis recrutés ensuite en tant qu'auto-entrepreneurs à compter de janvier 2009.

En plus des redressements de cotisations sociales sur les sommes versées aux faux auto-entrepreneurs qui sont réintégrées dans l'assiette des cotisations de l'employeur et des majorations de retard infligées, l'employeur doit considérer les risques encourus en raison du travail dissimulé, notamment les sanctions pénales.

Cass. civ. 2, 7 juillet 2016, n° 15-16110

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