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Travail dissimulé

Quand un avocat embauché comme collaborateur libéral peut-il se prétendre salarié ?

Un avocat ayant conclu un contrat de collaboration libérale au sein d’un cabinet d’affaires a déposé plainte auprès du procureur de la République du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Il soutenait avoir, en réalité, été employé en qualité de salarié :

-faute d’indépendance dans la prise de ses décisions ;

-faute de disponibilité en raison de la lourdeur de ses horaires et de la nature des dossiers qui lui étaient confiés qui ne concernaient que de grands groupes internationaux ;

-et également, compte tenu du caractère fixe de sa rémunération.

De fait, un collaborateur libéral doit pouvoir se constituer une clientèle personnelle et satisfaire les besoins de celle-ci (loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, art. 7 et loi n° 2005-882 du 2 août 2005, art. 18). Pour autant, le juge pénal n’a pas donné gain de cause au plaignant, car ses arguments ne rapportaient pas la preuve qu’ayant manifesté la volonté de développer une clientèle personnelle, il en avait été empêché en raison des conditions d’exercice de son activité. Selon eux, il n’avait fait que décrire les conditions matérielles habituelles dans le cadre de l’exercice d’une profession libérale.

Ainsi, un avocat engagé comme collaborateur libéral ne peut prétendre qu’il était en réalité salarié du cabinet d’avocat sauf à prouver qu’il a cherché à développer une clientèle personnelle mais qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de le faire. Le cabinet d’avocat qui l’a recruté ne saurait, en dehors de ces circonstances, être condamné pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié (c. trav. art. L. 8221-5).

On notera que l’avocat collaborateur avait ici choisi la voie pénale, mais que la logique est sensiblement la même en cas d’action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail, devant le bâtonnier (qui tient le rôle du juge prud’homal en première instance). Là encore, le collaborateur doit démontrer qu’il ne dispose d’aucune autonomie et qu’il lui est impossible de développer, comme il le souhaiterait, sa clientèle personnelle (cass. ch. mixte 12 février 1999 n° 96-17468, B. ch. mixte n° 1 ; cass. civ., 1re ch., 16 janvier 2007, n° 04-20615, BC I n° 17 ; cass. soc. 5 mai 2011 n° 10-10818 D). À cet égard, la fixité de la rétrocession d’honoraires n’est pas un critère déterminant (cass. soc. 9 octobre 2013, n° 12-23718, BC V n° 225).

Cass. crim. n° 14-85328 du 15 mars 2016 P

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