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Inaptitude physique : réduction du périmètre de reclassement et simplification des contestations

Une des ordonnances publiées au Journal officiel du 23 septembre 2017 modifie les textes applicables portant sur l’obligation de reclassement à charge de l’employeur. La procédure de contestation de l’avis du médecin du travail est également revue, pour remédier à certaines difficultés posées par la procédure issue de la loi Travail du 8 août 2016.

Sauf cas particulier attesté par le médecin du travail (maintien du salarié dans son emploi gravement préjudiciable à l’état de santé du salarié ou état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi), l’employeur doit chercher à reclasser le salarié déclaré inapte par le médecin du travail. Cette obligation s’applique aussi bien à l’inaptitude d’origine professionnelle qu’à celle d’origine non professionnelle (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10).

Recherche de reclassement sur le territoire national

S’agissant du cadre géographique dans lequel le poste de reclassement est à rechercher, l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail consacre la réduction de son périmètre au territoire national.

En premier lieu, elle codifie la règle jurisprudentielle selon laquelle la recherche des possibilités de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’entreprise dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation la mutation de tout ou partie du personnel (c. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10 ; cass. soc. 19 mai 1998, n° 96-41265, BC V n° 264 ; cass. soc. 25 mars 2009, n° 07-43767, BC V n° 90 ; cass. soc. 22 septembre 2016, n° 15-13849 D).

En second lieu, elle précise la notion de groupe de reclassement. Elle renvoie à la notion applicable au comité de groupe et, par là même, à celle retenue par le code de commerce (c. trav. art. L. 2331-1, I). Par « groupe », il faut donc comprendre celui dont le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français et les sociétés contrôlées par elle.

En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, elle précise que, lorsque le siège social de l’entreprise dominante n’est pas situé sur le territoire français, le groupe correspond alors à l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. Cette mesure permet donc d’étendre l’obligation de reclassement à des groupes étrangers implantés en France.

En l’absence de disposition spéciale, le nouveau périmètre de reclassement est applicable depuis le 24 septembre 2017 (c’est-à-dire depuis le lendemain de la publication de l’ordonnance au JO).

Nouvelles modalités de contestation de l’avis du médecin du travail

S’agissant des modalités de contestation de l’avis du médecin du travail, le conseil de prud’hommes (CPH) est, depuis le 1er janvier 2017, compétent pour statuer sur les litiges relatifs aux avis, proposition et conclusions émis par le médecin du travail (c. trav. art. L. 4624-7). Le CPH statue « en la forme des référés », c’est-à-dire qu’il statue sur le fond mais en urgence. Sans modifier ce principe, l’ordonnance codifie cette mention dans la partie législative du code du travail. Jusqu’alors, cette mention par renvoi ne figurait que dans la partie réglementaire du code (c. trav. art. R. 1455-12 et R. 4624-45).

Cette procédure de contestation, mise en place par la loi Travail, consistait plus précisément à saisir le conseil de prud’hommes pour lui demander de désigner un médecin-expert (c. trav. art. L. 4624-7 et R. 4624-45).

Ce mécanisme a néanmoins été critiqué par les conseillers prud’homaux pour sa complexité (point presse du 28 juillet 2017). Le faible nombre de médecins experts a également posé difficulté (rapport Sénat n° 663, p. 97). La loi d’habilitation, définitivement adoptée le 2 août 2017, prévoyait donc de simplifier ces dispositions.

L’ordonnance en aménage les mesures d’instruction. Le nouveau dispositif supprime la désignation du médecin-expert : le CPH statuera directement sur la contestation de l’avis d’inaptitude. Il pourra désigner un médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence.

Le médecin-inspecteur pourra lui-même s’adjoindre le concours de tiers (c. trav. art. L. 4624-7, II). Comme précédemment, le médecin du travail n’est pas partie au litige (c. trav. art. L. 4624-7, I). Concrètement, le CPH tranchera directement le litige, après avoir éventuellement sollicité le médecin-inspecteur du travail, sachant que, comme auparavant, la décision du CPH se substituera aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées (c. trav. art. L. 4624-7, III).

Le nouveau dispositif prévoit, en outre, que l’employeur pourra demander que les éléments médicaux sur lesquels s’est appuyé le médecin du travail soient notifiés à un médecin mandaté à cet effet par l’employeur. Le salarié sera informé de cette notification (c. trav. art. L. 4624-7, II). Il s’agit à notre sens de faciliter la contestation de l’employeur tout en préservant le secret médical.

Quant aux frais d’expertise, la procédure de contestation antérieure à la loi Travail ne générait aucun coût pour les parties. Aujourd’hui, les frais d’expertise du médecin-expert doivent être réglés par le demandeur, sachant toutefois qu’au terme de la procédure, le CPH peut décider, en l’absence de recours abusif ou dolosif, de les mettre à charge de la partie perdante (c. trav. art. L. 4624-7).

L’ordonnance réajuste cette mesure en posant comme principe que les frais d’expertise seront mis à la charge de la partie perdante. Reste toutefois que le CPH pourra décider, par décision motivée, de les mettre en tout ou partie à la charge de l’autre partie (c. trav. art. L. 4624-7, IV).

Rappelons que le tarif des honoraires et frais sera déterminé par arrêté ministériel.

Précisons enfin que ce réajustement de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude ne s’appliquera qu’à la date de publication du décret nécessaire à la mise en œuvre du dispositif, et au plus tard, le 1er janvier 2018.

Ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23, art. 7 et 8

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