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Négociation collective

Le syndicat qui perd sa représentativité ne peut plus s’opposer à la révision des accords qu’il a signés

En 2003, une entreprise du secteur de l’aéronautique avait conclu un accord collectif sur le droit syndical. Près de 10 ans plus tard, cet accord avait été modifié par avenant. Un des syndicats signataires de l’accord initial, opposé à sa révision, soutenait que l’employeur n’avait pas le pouvoir de conclure un avenant de révision sans son approbation. Il demandait en conséquence au juge de suspendre la mise en œuvre de cet avenant.

Pour comprendre l’action engagée par ce syndicat, il faut revenir aux règles applicables avant, d’une part, la loi « démocratie sociale » du 20 août 2008 et, d’autre part, la loi Travail du 8 août 2016 (loi 2008-789 du 20 août 2009, JO du 21 ; loi 2016-1088 du 8 août 2016, art. 17, JO du 9).

À l’époque, les juges estimaient qu’il était impossible d’engager le processus de révision d’un accord collectif sans le consentement de tous les syndicats signataires de cet accord (cass. soc. 13 novembre 2008, n° 07-42481, BC V n° 224). Par ailleurs, toujours en application du régime antérieur, seuls les syndicats représentatifs signataires de l’accord initial (et, le cas échéant, les syndicats représentatifs ayant adhéré à cet accord) pouvaient conclure l’avenant de révision (c. trav. art. L. 2261-7, dans sa version antérieure au 10 août 2016).

C’est cette condition de représentativité qui fera finalement échec à l’action du syndicat. En effet, au moment où l’employeur avait engagé la négociation de l’accord de révision, le syndicat avait perdu sa représentativité. Or, pour la Cour de cassation, l’organisation syndicale de salariés signataire d’un accord d’entreprise qui n’est plus représentative pour la durée du cycle électoral au cours duquel la révision de cet accord est proposée, ne peut s’opposer à la négociation de l’avenant de révision. Dans cette affaire, le syndicat en question n’était donc pas en mesure d’obtenir la suspension de l’avenant de révision, comme l’avait justement jugé la cour d’appel.

Par cette décision, la Cour de cassation actualise sa jurisprudence, établie à l’époque où les syndicats étaient présumés représentatifs dès lors qu’ils étaient affiliés à l’une des cinq grandes confédérations. La loi « démocratie sociale » du 20 août 2008 ayant imposé aux syndicats de démontrer leur représentativité au travers, notamment, des résultats obtenus aux élections professionnelles, il fallait atténuer le droit d’opposition à la révision conféré aux syndicats signataires et tenir compte du fait qu’ils pouvaient perdre leur représentativité.

La portée de cette décision mérite néanmoins d’être relativisée, car la loi Travail du 8 août 2016 a considérablement assoupli le mécanisme de révision des accords collectifs pour limiter ce type de contentieux (c. trav. art. L. 2261-7-1). Applicable depuis le 10 août 2016, le nouveau régime impose de distinguer deux périodes :

-jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel l’accord initial a été conclu, seuls les syndicats représentatifs dans le champ d’application de l’accord et signataires ou adhérents à cet accord peuvent engager la procédure de révision ;

-à l’issue de cette période, cette faculté est ouverte à tout syndicat représentatif dans le champ d’application de l’accord.

Concrètement, au cours de la première période, la question de la perte de représentativité ne se pose plus, puisque, par hypothèse, cette représentativité est acquise pour la totalité du cycle électoral. Quant à la deuxième période, la renégociation est désormais ouverte à tout syndicat représentatif, signataire comme non signataire, de sorte que la question la capacité d’un syndicat signataire à s’opposer à la révision n’a plus de sens.

En définitive, la solution adoptée par la Cour de cassation dans cette affaire ne s’applique qu’aux contentieux consécutifs à des processus de révision engagés avant le 10 août 2016.

Cass. soc. 21 septembre 2017, n° 15-25531 FSPBRI

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