Imprimer | ||||||||||||||||
Social Négociation collective Ordonnances Macron : l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche, sauf exceptions Publiée le 23 septembre 2017, l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective confirme la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. Dans quelques domaines, la branche demeure la norme de référence, par l’effet de la loi ou de la volonté des partenaires sociaux. Le bloc de primauté de l’accord de branche Un premier bloc couvre tous les domaines dans lesquels la convention de branche prévaut obligatoirement sur l’accord d’entreprise (verrouillage de droit), qu’il soit antérieur ou postérieur à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche (c. trav. art. L. 2253-1 ; ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 1, JO du 23). On retrouve dans cette liste la plupart des thèmes déjà régis en priorité par les accords de branche (salaires minima hiérarchiques, classifications, etc.), auxquels il faut désormais ajouter la mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Ce bloc inventorie également divers domaines dans lesquels l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise en application de la Travail du 8 août 2016 (création d’une durée d’équivalence, durée minimale de travail pour les salariés à temps partiel, taux de majoration des heures complémentaires, etc.) ou en application d’autres textes (durées de renouvellement de la période d’essai et transfert conventionnel des contrats de travail). Sur tous ces points, la réforme n’entraîne donc pas de modification de fond. Par rapport au projet d’ordonnance, le texte définitif répare quelques oublis et rappelle la primauté de l’accord de branche sur certains aspects de l’intérim (c. trav. art. L. 1251-7, 1° et 2°), du portage salarial (c. trav. art. L. 1254-2 et L. 1254-9) et de l’aménagement du temps de travail. Par exemple, sur ce dernier point, il faut un accord de branche pour aménager le temps de travail sur plus d’un an et dans la limite de 3 ans (c. trav. art. L. 3121-44, 1°). En définitive, la principale nouveauté concerne les CDD et l’intérim, le premier bloc rappelant que, en application d’une autre ordonnance, la branche peut négocier sur des sujets aussi divers que la durée totale du contrat ou de la mission ou encore les conditions dans lesquelles les CDD ou les missions peuvent se succéder (ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 22 à 29, JO du 23). Deux points posent cependant difficulté. Tout d’abord, l’ordonnance permet de négocier le délai de transmission du CDD au salarié, qui s’établit en principe à 48 heures (c. trav. art. L. 1242-13). On peut néanmoins se demander si le gouvernement ne voulait pas plutôt ouvrir à la négociation le nombre maximal de renouvellements du CDD (c. trav. art. L. 1243-13), comme il l’a fait pour l’intérim (c. trav. art. L. 1251-35). Par ailleurs, le premier bloc ne fait aucune mention du fait que, dans l’intérim, un accord de branche étendu peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence ne s’applique pas (c. trav. art. L. 1251-37). Pourtant, il y a tout lieu de penser que, là aussi, l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise. Le bloc intermédiaire (verrouillage facultatif) Le deuxième bloc définit les domaines dans lesquels la convention de branche peut interdire toute dérogation défavorable aux salariés par un accord d’entreprise ultérieur (verrouillage facultatif). Sont concernés (c. trav. art. L. 2253-2) : -la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ; -l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées ; -l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ; -les primes pour travaux dangereux ou insalubres. Il n’y a ici aucune différence entre le projet d’ordonnance et son texte définitif. Pour le reste, primauté de l’accord d’entreprise Le troisième bloc se définit par défaut : dans tout domaine qui n’appartient au premier ou au deuxième bloc, l’accord d’entreprise prévaut sur les clauses de la convention de la branche ayant le même objet, que l’accord ait été conclu avant ou après l’entrée en vigueur de cette convention (c. trav. art. L. 2253-3). À titre d’exemple, il est donc théoriquement possible de remettre en cause, par accord d’entreprise, le montant d’une prime de vacances d’origine conventionnelle, voire la supprimer (en la remplaçant par autre chose, voire sans contrepartie), sous réserve, bien évidemment, que les syndicats acceptent de signer un tel accord. À partir de quand ? Aucun décret d’application n’étant a priori nécessaire, cette nouvelle hiérarchie est, à notre sens, entrée en vigueur le lendemain de la publication de l’ordonnance, soit le 24 septembre 2017. Qu’advient-il des clauses de verrouillage existantes ? En effet, de nombreuses stipulations conventionnelles interdisent toute dérogation aux accords d’entreprise, ainsi que le permettait l’ancienne législation. De même, le mécanisme de sécurisation mis en place par la loi relative au dialogue social du 4 mai 2004 (loi 2004-391 du 4 mai 2004) a permis de conserver la hiérarchie des accords antérieurs au 6 mai 2004. Dans ces deux situations, l’ordonnance indique que, pour les thèmes relevant du bloc intermédiaire, les parties à l’accord de branche auront jusqu’au 1er janvier 2019 pour confirmer par avenant la portée de ces stipulations conventionnelles et ainsi continuer à interdire toute dérogation au niveau des entreprises. En d’autres termes, les branches pourront « reverrouiller » pour s’inscrire dans la nouvelle hiérarchie des normes (ordonnance 2017-1385, art. 16). L’ordonnance indique que « les stipulations confirmant ces clauses s’appliquent aux accords étendus ». Sous réserve des précisions de l’administration, cela pourrait signifier que les avenants qui confirment la primauté d’un accord de branche étendu n’auront pas à être eux-mêmes étendus pour pouvoir s’appliquer. Mais ce point reste à clarifier. Quant aux domaines qui relèvent du troisième bloc, les clauses de verrouillage cesseront de s’appliquer le 1er janvier 2018. En d’autres termes, dans ces domaines, les accords d’entreprises devraient pouvoir immédiatement déroger aux accords de branche, sans tenir compte de la hiérarchie antérieure.
Ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 1, JO du 23
| ||||||||||||||||
Date: 05/10/2024 |