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Contrat de travail

Modification pour motif économique du contrat de travail : la Cour de cassation précise le contenu de la lettre de proposition

La lettre de proposition d’une modification pour motif économique du contrat de travail doit mentionner le motif économique à l’origine de cette proposition. Mais elle n’a pas à se référer explicitement à l’article L. 1222-6 du code du travail. Telle est la règle à retenir d’un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2023.

Modification pour motif économique du contrat de travail : rappels sur la procédure de proposition

L’employeur doit solliciter l’accord du salarié avant de modifier son contrat de travail. S’il envisage cette modification pour un motif économique (ex. : en raison de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité), il suit la procédure définie par le code du travail (c. trav. art. L. 1222-6 et L. 1233-3).

Ainsi, l’employer doit proposer la modification au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) en lui indiquant qu'il a un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

À noter : le délai est de 15 jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

Le code du travail n’en dit pas plus sur le contenu de la lettre de proposition. Ce sont les juges qui l’ont précisé au fil de leur jurisprudence.

Ils imposent à l’employeur de mentionner en quoi consiste la modification envisagée et d’informer le salarié de ses nouvelles conditions d’emploi et des éventuelles mesures accompagnant la proposition afin de lui permettre de donner sa réponse en mesurant les conséquences de son choix (cass. soc. 30 janvier 2008, n° 06-42000 D).

À noter : la Cour de cassation a récemment confirmé cette règle (cass. soc. 8 novembre 2023, n° 22-10350 FD).

Une nouvelle affaire soumise à la Cour de cassation lui donne l’opportunité de revenir sur le contenu de cette lettre de proposition d’une modification du contrat de travail pour un motif économique.

Rappelons aussi que si le salarié refuse cette proposition, l’employeur peut le licencier pour motif économique, pourvu que celui-ci soit réel et sérieux.

L’affaire : modification du périmètre commercial d’un représentant de commerce

En l’espèce, l’employeur a proposé à un représentant de commerce exclusif de réduire son périmètre commercial de deux à un seul département. Il l’a licencié pour motif économique à la suite de son refus de cette proposition.

Le salarié a contesté cette rupture et a porté l’affaire jusque devant la Cour de cassation.

Selon le salarié, la lettre lui proposant de modifier son périmètre commercial était ambiguë car elle invoquait plusieurs motifs. Il considère aussi que la lettre aurait dû se référer à l'article L. 1222-6 du code du travail. Il en déduit qu’il n’avait pas été pas clairement informé du fait que la modification de son contrat de travail reposait sur un motif économique.

Il reproche ainsi à son employeur de ne pas voir respecté les formalités rappelées ci-avant. L’employeur ne pouvait alors pas se prévaloir de son refus de la modification envisagée (cass. soc. 25 janvier 2005, n° 02-41819, BC V n° 18 ; cass. soc. 27 mai 2009, n° 06-46293, BC V n° 137).

La Cour de cassation donne tort au salarié.

La lettre de proposition d’une modification n’a pas à se référer à l’article L. 1222-6 du code du travail

La Cour de cassation rappelle que la procédure de proposition d’une modification pour motif économique du contrat de travail prévue par l'article L. 1222-6 du code du travail « est applicable lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 1233-3 » du même code.

En l’espèce, la lettre adressée au salarié ne faisait pas référence à l'article L. 1222-6 du code du travail. Mais, elle précisait que la modification du contrat de travail proposée était motivée par une réorganisation en cours, comportant la redéfinition des périmètres commerciaux des VRP, ayant pour objectif de préserver la compétitivité de l'activité commerciale afin de dynamiser les ventes et d'améliorer la situation économique de la société. Or, il s’agit bien là de l’un des motifs économiques mentionnés par le code du travail.

En outre, la lettre indiquait que le salarié disposait d'un délai de réflexion d'un mois à compter de la date de présentation, son silence valant acceptation.

Cette lettre constituait bien une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, telle que l’impose le code du travail. L’employeur avait donc pu valablement se prévaloir du refus du salarié.

La motivation économique de la proposition de modification du contrat de travail

Il faut ici retenir que si la lettre de proposition d’une modification pour motif économique du contrat de travail n’a pas à se référer à l’article L. 1222-6 du code du travail, l’employeur doit être attentif à bien mentionner le motif économique à l’origine de cette proposition. Ce motif doit être l’un de ceux listés par le code du travail qui permettent de motiver un licenciement pour motif économique.

Dans une autre affaire tranchée aussi le 8 novembre 2023, la Cour de cassation souligne d’ailleurs que « l'employeur, qui n'a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ne peut se prévaloir, en l'absence de réponse du salarié dans le mois, d'une acceptation de la modification du contrat de travail » (cass. soc. 8 novembre 2023, n° 22-11369 FD).

Cass. soc. 8 novembre 2023, n° 22-12412 FD