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Vie des affaires

Local commercial

Bail commercial : pas de subrogation possible pour l'ancien bailleur en cas de vente

L'ancien propriétaire d'un local commercial reste tenu vis-à-vis du locataire de ses obligations antérieures à la vente. Peu importe la présence d'une clause de subrogation dans l'acte de vente.

Vente avec clause de subrogation d'un local commercial loué

Une société loue un local situé dans un centre commercial. Son bailleur lui délivre un commandement de payer au titre, notamment, des charges appelées par le syndicat des copropriétaires du centre commercial. La société locataire s'acquitte des sommes demandées en précisant qu'il s'agit d'un règlement provisoire pour éviter la résiliation du bail.

La même année, le bailleur vend ses locaux. L'acte de vente prévoit une clause de subrogation, selon laquelle « l'acquéreur fera son affaire personnelle, d'une part, de la continuation ou de la résiliation des baux ainsi que de toutes les procédures qui pourraient survenir à compter de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur et de tout contentieux qui se déclarerait à compter du transfert de propriété, même si la cause en était directement ou indirectement antérieure ».

Le locataire saisit en justice l'ancien propriétaire

Quelques années plus tard, la société locataire assigne l'ancien propriétaire en annulation du commandement de payer et en restitution des sommes payées qu'elle estime indues.

Pour échapper à toute condamnation, l’ancien propriétaire invoque la clause de subrogation stipulée dans l’acte de vente et les juges d'appel lui donnent raison. Selon eux, la société locataire a saisi la mauvaise personne en justice, la clause de subrogation insérée dans l'acte de vente des locaux ayant déchargé l'ancien propriétaire de ses obligations vis-à-vis d'elle.

La Cour de cassation valide l'action contre l'ancien propriétaire

Cet argumentaire ne satisfait pas la Cour de cassation, qui censure leur décision au visa des articles 1199, 1302-1 et 1743 du code civil (anciens articles 1165, 1376 et 1743).

Elle rappelle que, selon ces articles, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne peuvent nuire aux tiers. Par ailleurs, le bail est opposable à l'acquéreur qui en a eu connaissance avant la vente de la chose louée et , enfin, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Il en découle, pour la Cour de cassation, que l'ancien propriétaire reste tenu à l'égard de la société locataire de ses obligations personnelles antérieures à la vente, peu importe la clause de subrogation prévue dans l'acte de vente.

Dès lors, la société locataire a eu raison de l'assigner, et non le nouveau propriétaire du local, pour espérer récupérer les sommes versées.

Rq. Cette position n'est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà jugé en 2020 qu'une clause de subrogation ne pouvait pas décharge le vendeur de ses obligations, les clauses du contrat de vente n'étant pas opposables au locataire (cass. civ., 3e ch., 23 janvier 2020, n° 18-19589). En revanche, une clause de subrogation peut tout à fait prévoir que le nouveau propriétaire est en droit de réclamer au locataire l'exécution des obligations et la réparation des infractions au bail antérieures à la vente (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2002, n° 01-00696).

Pour aller plus loin :

« Le bail commercial », RF 2022-2, § 332

Cass. civ., 3e ch., 16 mai 2024, n° 22-19922