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Durée du travail

Il faut décompter le temps de travail des salariés qui ne sont pas soumis à l'horaire collectif

Lorsqu'un salarié n'est pas soumis à l'horaire collectif, l'employeur doit décompter sa durée du travail quotidiennement et chaque semaine. Peu importe que, en sa qualité de directrice marketing opérationnel et administration des ventes, il ne travaille pas par relais, par roulement ou en équipes successives.

Décompte de la durée du travail - les règles

Décompte nécessaire. - Il est indispensable d’assurer un décompte de la durée de travail des salariés notamment pour :

-s’assurer que les durées maximales de travail, les temps de pause et le droit à la déconnexion sont respectés (c. trav. art. L. 3121-18, L. 3121-20, L. 3121-22, L. 3121-27) ;

-valoriser les éventuelles heures supplémentaires et complémentaires (c. trav. art. L. 3123-8, L. 3123-25, L. 3121-29 et L. 3121-36) ;

-attribuer les éventuelles contreparties obligatoires en repos (c. trav. art. L. 3121-30) ;

-veiller à la santé physique et mentale des salariés, notamment à la surcharge de travail génératrice de stress (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

L’employeur doit d’ailleurs tenir à la disposition de l’inspecteur du travail le(s) document(s) existant dans l’établissement qui lui permettent de comptabiliser les heures de travail de chaque salarié (c. trav. art. L. 3171-3 et D. 3171-16).

Décompte en fonction du type d’horaires. - Les modalités de décompte du temps travaillé par les salariés varient selon que ceux-ci relèvent d’un horaire collectif, individuel voire d’un système d’horaires individualisés.

Ainsi, lorsque les salariés d’un service, d’un atelier ou d’une équipe travaillent selon un même horaire collectif, il y a par hypothèse un mode collectif de décompte des horaires, avec des règles particulières d’affichage et de programmation en cas d’aménagement sur une période supérieure à la semaine ou d'organisation du travail par relais, par roulement ou par équipes successives (c. trav. art. L. 3171-2, D. 3171-5 et D. 3171-7).

A contrario, lorsque les salariés d’un service, d’un atelier ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur se trouve dans l’obligation de décompter la durée du travail de chaque salarié chaque jour et chaque semaine (c. trav. art. L. 3171-2 et D. 3171-8).

Une salariée conteste son décompte de durée du travail

Une salariée, responsable SAV à compter du 6 janvier 2003, puis directrice marketing opérationnel et administration des ventes à compter du 27 mars 2012, avait saisi le conseil de prud'hommes le 24 janvier 2019 d’une demande en résiliation de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

Elle reprochait notamment à son employeur de ne pas avoir respecté les modalités de décompte journalier de ses heures de travail.

Les arguments de la salariée

Un décompte individuel obligatoire pour tout salarié qui n’est pas soumis à un horaire collectif. - La salariée arguait que lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée (c. trav. art. D. 3171-8) :

-quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;

-et chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

Pour la salariée, ce décompte s’imposait pour tout salarié ne travaillant pas selon le même horaire collectif.

L’employeur, au contraire, estimait que ce décompte était propre aux salariés travaillant dans le cadre d’une organisation par relais, par roulement ou par équipes successives (c. trav. art. D. 3171-7).

Cet argument avait d’ailleurs séduit la cour d’appel, qui avait rejeté les demandes de la salariée, faute pour celle-ci d’appartenir à une équipe soumise à une organisation du travail par relais, par roulement ou par équipes successives.

Un décompte individuel imposé par le droit européen. - La salariée avançait que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) :

-afin d'assurer l'effet utile des droits par la directive européenne sur le temps de travail (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003) et du droit fondamental à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos consacré par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (art. 31, § 2), les États membres doivent imposer aux employeurs de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, aff. C-55/18, § 60) ;

-l'obligation d'un tel système relève de l’obligation faite aux États membres et aux employeurs de mettre en place une organisation et les moyens nécessaires pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs (CJUE, arrêt précité, aff. C-55/18, § 62 ; dir. 89/391/CEE du 12 juin 1989, art. 4, § 1 et art. 6, § 1).

Dès lors, pour la salariée, l’employeur devait procéder à un décompte journalier de son temps de travail, d’autant plus que ce décompte s'imposait à l'employeur en vertu de son obligation de sécurité (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

Les réponses de la Cour de cassation

Comme la salariée, la Cour de cassation reprend :

-l’obligation de sécurité de l’employeur envers les salariés (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2) ;

-la règle de décompte de la durée du travail chaque jour et chaque semaine pour les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillant pas selon le même horaire collectif de travail (c. trav. art. D. 3171-8) ;

-les termes de la jurisprudence de la CJUE citée par la salariée (voir ci-avant).

Elle en conclut que lorsqu'un salarié n'est pas soumis à l'horaire collectif, l’employeur doit procéder à un décompte de la durée du travail (c. trav. art. D. 3171-8) :

-quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;

-et chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

Contrairement à la cour d’appel, la Cour de cassation ne réserve donc pas ces modalités de décompte aux salariés soumis à une organisation du travail par relais, par roulement ou par équipes successives et ne travaillant pas selon le même horaire collectif. Ce sont plus généralement tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe qui ne travaillent pas selon le même horaire collectif qui doivent faire l’objet d’un décompte quotidien et hebdomadaire du temps de travail.

La Cour renvoie donc cette affaire devant une autre cour d’appel, qui devra déterminer si ce manquement au décompte de la durée du travail de la salariée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et pouvait, dès lors, justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Cass. soc. 13 novembre 2025, n° 23-19055 FSB, 3e moyen ; https://www.courdecassation.fr/decision/691597985cc9fa7cae5abf68