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Licenciement économique

Licenciement économique : toute pondération des critères d'ordre doit être pertinente et objectivement justifiée

En cas de projet de licenciement économique, l’employeur identifie le ou les salariés susceptibles d’être licenciés via des critères d’ordre de licenciement qu’il peut pondérer. La Cour de cassation rappelle que ces pondérations doivent être pertinentes et objectivement justifiées. Dans cette affaire, c’est le critère des charges de famille qui était en cause, avec un système de pondération par tranche d’âge des enfants

Possibilité pour l’employeur de pondérer les critères d’ordre légaux

En cas de licenciement économique (individuel ou collectif), l’employeur détermine au niveau de la catégorie professionnelle concernée par la suppression de poste, le ou les salariés susceptibles d’être licenciés en utilisant des critères d’ordre (c. trav. art. L. 1233-5 et L. 1233-7 ; cass. soc. 20 avril 2022, n° 20-20567 FSB).

À défaut de dispositions conventionnelles spécifiques et après avis du comité social et économique (CSE), c’est l’employeur qui fixe les critères d’ordre applicables. Il doit à cet effet prendre en compte les critères d’ordre fixés par le code du travail, avec possibilité de les compléter. Ces critères légaux sont (c. trav. art. L. 1233-5) :

-les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

-l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

-la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

-les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut assortir les critères légaux de coefficients pour que certains « pèsent » plus que d’autres, à condition de tenir compte de chacun d’entre eux (cass. soc. 2 mars 2004, n° 01-44084, BC V n° 68). En outre, les pondérations doivent être pertinentes, objectivement justifiées et non discriminatoires (cass. soc. 18 janvier 2023, n° 21-19633 D).

Un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2023 en apporte une nouvelle illustration.

Une contestation du critère d’ordre « charges de famille », pondéré via l’âge des enfants

Dans cette affaire, une responsable de formation dans une structure associative avait été licenciée pour motif économique le 15 février 2017.

Les critères d’ordre applicables l’avaient désigné en sachant que l’employeur avait pondéré le critère des charges de famille en allouant à chaque salarié de la catégorie professionnelle concernée :

-2 points par enfant de moins de 6 ans ;

-1 point par enfant de 7 à 12 ans ;

-0 point au-delà.

La salariée, ayant deux enfants nés en 1998 et 2003, et qui donc au moment du licenciement avaient plus de 12 ans, n’avait bénéficié que d'1 point alors que trois de ses collègues avaient bénéficié de points supplémentaires eu égard à l'âge de leurs enfants. Elle avait alors saisi la justice.

La cour d’appel avait condamné l’employeur à verser 34 000 € de dommages-intérêts à la salariée, pour n’avoir pas appliqué loyalement les critères d'ordre des licenciements. L’employeur s’était alors pourvu en cassation.

La pondération d’un des critères d’ordre légaux doit être pertinente et objectivement justifiée

Sans surprise, la Cour de cassation confirme la position de juges du fond.

Elle rappelle d’abord qu’en cas de contestation sur l'application des critères d'ordre, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix (cass. soc. 18 janvier 2023, n° 21-19633 D).

En l’espèce, les juges du fond ont relevé que le calcul basé sur l'âge des enfants avait conduit à privilégier une salariée plus jeune, ayant moins d’ancienneté et une formation pédagogique moindre, sans que l'employeur ne démontre en quoi cette distinction opérée selon l'âge des enfants était pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge. On comprend effectivement mal en quoi un adolescent (de 13 ans et plus) constituerait systématiquement pour le foyer une charge moindre qu’un enfant plus jeune.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond en ont donc correctement déduit, que les modalités retenues par l'employeur pour privilégier le critère des charges de famille avaient eu pour conséquence d’annihiler les effets des autres critères d'ordre.

Cass. soc. 8 novembre 2023, n° 22-19205 D