experts-comptables « illégaux » : comment réagir ? 01-08-2016 Les experts-comptables sont de plus en plus confrontés à l’exercice illégal de leur profession. Une infraction qui fait encourir à leurs clients des risques économiques importants et ternit d’autre part la crédibilité et l’image de leur profession… C’est dans cette optique que s’est tenue, mercredi 20 juillet, au siège de l’Ordre des experts-comptables d’Aquitaine, une table-ronde inédite intitulée : « L’exercice illégal de l’expertise comptable : un fléau pour l’économie ». «Il ne se passe pas une semaine sans que l’on traite un dossier d’exercice illégal de l’expertise-comptable ». Une assertion que l’on aurait peine à croire si elle ne provenait pas de l’Ordre des experts-comptables d’Aquitaine lui-même. Il suffit de surfer quelques instants sur internet pour s’en convaincre : une offre croissante de sous-traitances administratives et comptables est proposée sur des sites connus du grand public. Leur terminologie diffère certes (« secrétaire administrative et comptable free-lance », « comptable indépendant »…), mais tous ont un point commun : l’exercice illégal de la profession d’expertise comptable. « Ces illégaux nous font une concurrence déloyale, ternissent l’image de notre profession et surtout, mettent en péril les entreprises faisant appel à leurs « services » », déclare en guise d’introduction, Alexandre Salas-Gordo, Président de l’Ordre des experts-comptables d’Aquitaine. Animée par Alex Levasseur, secrétaire général de l’Ordre, la table-ronde a réuni différents acteurs concernés au quotidien par ce fléau, parmi lesquels, l’Administration fiscale et la Police Judiciaire en charge des affaires économiques et financières. Rappelant que l’expertise comptable est une profession réglementée, avec ses prérogatives, ses obligations et sa déontologie, et que l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable, tout comme l’usage abusif du titre, constitue un délit faisant l’objet de condamnations régulières (15 000€ d’amende et jusqu’à un an d’emprisonnement), les intervenants se sont montrés préoccupés par le nombre d’« illégaux » en forte croissance, et les conséquences préjudiciables pour les clients abusés. Pour la seule ville de Paris, on dénombre officiellement presqu’autant d’« illégaux » que d’experts-comptables régulièrement inscrits au tableau de l’Ordre… Les premières victimes des « illégaux » sont les entreprises. Elles n’ont souvent pas conscience des répercussions économiques en jeu. Comme le confesse Stéphane Cazabat, entrepreneur lui-même victime d’un « illégal » : « je n’ai jamais pensé faire quelque chose d’hors-la-loi en faisant appel à cette personne. Quand vous allez chez votre médecin, vous ne lui demandez pas forcément son diplôme et vous ne cherchez pas non plus à savoir s’il est bien inscrit à l’Ordre des Médecins… ». Les « illégaux » n’offrent pas de garantie de qualité, de sérieux et de respect de règles déontologiques et ne peuvent assurer la qualité « de vigie de la santé financière des entreprises » généralement attribuée aux professionnels de l’expertise comptable. Concrètement, entre l’absence d’une assurance professionnelle de l’ « illégal » en cas d’erreur et la révélation de la fraude, l’entreprise victime peut très vite se retrouver dans une situation désastreuse. Une profession règlementée C’est l’Ordonnance du 19 septembre 1945 qui encadre strictement les prérogatives attribuées aux experts-comptables, parmi lesquelles l’élaboration des bilans, l’établissement des comptes de résultats, des liasses fiscales, des documents comptables prévisionnels… Le délit d’exercice illégal se caractérise dès lors qu’une personne, non inscrite au Tableau de l’Ordre, exécute des travaux comptables en son nom propre et sous sa responsabilité, en connaissance de cause et à titre habituel. L’intervention d’un expert-comptable n’est pas obligatoire dans une entreprise, pour la tenue et la révision des comptes, lorsque l’entrepreneur tient lui-même sa comptabilité et procède aux déclarations fiscales. Ou lorsqu’il emploie un comptable salarié et qu’il existe un vrai lien de subordination avec celui-ci. Mais c’est dans le cas précis où il fait appel à la sous-traitance pour sa comptabilité auprès d’une personne indépendante que le risque apparaît. Comme le répète Alexandre Salas-Gordo, le premier réflexe consisterait à ne jamais faire sous-traiter sa comptabilité à une personne indépendante et agissant pour son compte, dont on n’aurait pas vérifié auparavant l’inscription au tableau de l’Ordre. Cette question de la sous-traitance est délicate, car elle peut prendre de multiples formes. Certaines sont tolérées, d’autres répréhensibles. C’est le cas notamment lorsqu’une entreprise sous-traite sa comptabilité à une personne indépendante non inscrite à l’Ordre, et fait ensuite simplement attester sa comptabilité par un expert-comptable qui, lui, est normalement inscrit à l’Ordre. « C’est ce que l’on nomme la couverture de l’exercice illégal par des experts-comptables. C’est un véritable fléau car c’est aussi un manque total de crédibilité qui est jeté sur notre profession », s’agace Alex Levasseur, tout en rappelant que cette infraction donne régulièrement lieu à des sanctions disciplinaires. Pour Marine Patrin, trésorière de l’Ordre, en charge de la Répression de l’Exercice Illégal, la lutte contre ce phénomène doit porter à la fois sur le front de la prévention et sur celui de la répression.
Le volet de la prévention est généralement effectué par l’Ordre lui-même. Tant pour une raison d’éthique et de protection des clients que par la volonté d’adopter une démarche pédagogique et non coercitive. Elle indique d’ailleurs qu’un certain nombre d’« illégaux » ne savent même pas qu’ils sont en-dehors de la loi. Mais l’Ordre peut également s’engager dans une démarche plus répressive, notamment via les visites domiciliaires, appuyées par un huissier de justice. Cependant, d’autres acteurs entrent en jeu, comme l’Administration fiscale, qui suite à un redressement peut remarquer des failles dans les comptes d’une entreprise, ou encore les services de Police Judiciaire concernés, qui eux, peuvent mener une enquête et convoquer les prévenus sur instruction d’un magistrat. Dans tous les cas, un client ayant des doutes sur la légalité de sa sous-traitance comptable aura intérêt à prévenir l’Ordre. Une enquête menée par ce dernier permettra de révéler l’existence ou non d’éléments probants caractérisant le délit d’exercice illégal. Le cas échéant, des poursuites judiciaires pourront être engagées. G. LALAU et M. MAROUEN "LES ECHOS JUDICIAIRES" ARTICLE DU 29/07/2016 http://www.echos-judiciaires.com/experts-comptables-illegaux-comment-reagir/ |
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