Social
À travail égal, salaire égal
Quand les diplômes et l'expérience professionnelle justifient-ils une différence de salaire ?
La différence de diplômes et d’expérience professionnelle entre deux salariés placés dans une situation identique ne permet pas dans tous les cas de fonder une différence de rémunération. La Cour de cassation le rappelle dans un arrêt du 24 mai 2023 où un employeur, après avoir promu deux salariés au même emploi, avait accordé des augmentations de salaire à un seul d’entre eux.
Deux salariés promus au même emploi : l’un voit ensuite son salaire augmenter et pas l’autre
Le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l’employeur d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés se trouvant dans une situation identique (cass. soc. 29 octobre 1996, n° 92-43680, BC V n° 359 ; cass. soc. 15 décembre 1998, n° 95-43630, BC V n° 551).
Toutefois, ce principe n’interdit pas des différences entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale dès lors que l’employeur peut se fonder sur des critères objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à toute discrimination.
Les diplômes, l’expérience acquise chez d’autres employeurs, la charge de travail, les qualités professionnelles sont des motifs régulièrement invoqués à l’appui de différences de rémunération entre des salariés.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, ce sont justement les diplômes et l’expérience professionnelle antérieure qui étaient censés justifier la différence de traitement entre deux salariés occupant les mêmes fonctions.
Une salariée estimait en effet avoir été lésée en comparaison avec un de ses collègues.
La salariée et son collègue avaient été embauchés en tant que technicien support à quelques semaines d'intervalle à des niveaux de rémunération différents. Puis, ils ont été promus au même moment dans l'emploi de coordinateur technique, avec la même classification et le même salaire.
Par la suite, le collègue avait bénéficié de plusieurs augmentations portant son salaire mensuel à 2 600 €, quand la salariée percevait à la même date un salaire mensuel de 2 350 €.
L’expérience professionnelle antérieure et de meilleurs diplômes ne justifiaient pas la différence de progression salariale
La cour d’appel a rejeté la demande de rappel de salaire de la salariée, en estimant que les augmentations de salaire du collègue, et la différence de rémunération qui en résultait, étaient justifiées par « l'expérience et les diplômes nettement supérieurs […] en matière informatique et gestion d'un helpline-desk » que le collègue avait acquis avant son embauche et a fortiori avant la promotion des deux salariés aux mêmes fonctions.
Autrement dit, pour la cour d’appel, les diplômes et l’expérience professionnelle antérieure du collègue justifiaient sa meilleure progression salariale depuis le moment où les deux salariés avaient été promus au même emploi.
La décision de la cour d’appel est invalidée par la Cour de cassation.
La Cour de cassation rappelle qu’au nom du principe d’égalité de traitement, « l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur ainsi que les diplômes ne peuvent justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'ils sont en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées » (cass. soc. 11 janvier 2012, n° 10-19438 D ; cass. soc. 31 octobre 2012, n° 11-20986 D).
Elle constate ensuite qu’à leur embauche, les salariés avaient été engagés en qualité de technicien support avec une différence de rémunération, ce qui pouvait être justifié par les diplômes et l’expérience professionnelle antérieure.
Mais ensuite, ils avaient été promus au même moment dans l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire. Or, à compter de cette date, ni les meilleurs diplômes du collègue, ni son expérience professionnelle antérieure ne pouvaient fonder les augmentations de salaire qu’il avait reçues. La disparité salariale entre les deux salariés depuis leur promotion au même emploi n’était pas justifiée.
Cass. soc. 24 mai 2023, n° 21-21902 D