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Management et santé des salariés

Managers, attention à votre obligation de sécurité... et au licenciement pour faute grave en cas de manquement

Tout salarié est tenu à une obligation de sécurité vis-à-vis des autres membres du personnel. Pour les managers, cette obligation implique d’adopter des pratiques managériales qui respectent la santé et la sécurité des collaborateurs dont ils ont la charge. Dans le cas contraire, la sanction peut être sévère et conduire au licenciement pour faute grave du manager, comme l’illustre un récent arrêt du 26 février 2025.

Un responsable d’agence mis en cause pour son management « colérique » et « agressif »

Dans cette affaire, un responsable d’agence d’une société, chargé d’encadrer l’équipe de cette agence, a été licencié pour faute grave en raison de ses pratiques managériales inappropriées. Son employeur lui reprochait à cet égard un manquement à son obligation légale de sécurité.

Les témoignages de ses collaboratrices faisaient état du caractère « agressif » du manager, d’un comportement « lunatique et malsain et des menaces injustifiées ». Une salariée avait quitté l’agence en raison notamment de ses rapports avec le manager et de « ses excès de colère ». Un commercial avait également rapporté l’existence de « relations dégradées » entre le manager et ses collaborateurs, ainsi qu’une « attitude agressive et des propos allant à l'encontre du bon fonctionnement de l'agence ».

Le manager a saisi les prud’hommes pour contester son licenciement. Il a obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel, qui a écarté tout manquement du manager à son obligation de sécurité et a jugé son licenciement injustifié.

Mais la Cour de cassation, saisie par l’employeur, a censuré cette analyse.

Un comportement qui constituait une violation du manager à son obligation légale de sécurité

Pour rappel, tout salarié de l’entreprise est tenu à une obligation légale de sécurité, qui lui impose de prendre soin de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (c. trav. art. L. 4122-1).

Des pratiques managériales ont pu être sanctionnées sur le fondement de cette obligation de sécurité. Un manager qui avait organisé une séance de « team building » un peu « trop musclée » (ex. : faire quelques pas pieds nus sur du verre brisé) et n’avait pas veillé à préserver l'intégrité physique et psychique de ses collaborateurs a ainsi été licencié pour faute grave (cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-14260 D).

Dans notre affaire, malgré la somme des témoignages qui attestaient d’un management colérique et agressif de la part du responsable d’agence, la cour d’appel a estimé que ce management pouvait être considéré comme « maladroit et parfois empreint d'attitude colérique », mais qu'il ne caractérisait pas un non-respect de l’obligation de sécurité.

À cet effet, la cour d’appel avançait les motifs suivants :

-l’employeur ne justifiait d'aucun courrier de reproches envers le manager avant son licenciement ;

-l’employeur ne rapportait aucun arrêt de travail des salariés ;

-l’employeur ne faisait état d’aucune alerte de la médecine du travail ou de l'inspection du travail en raison du comportement du manager.

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, considérant au contraire que les pratiques managériales du responsable d’agence étaient de nature à constituer un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l'égard de ses subordonnés et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Pour la Cour de cassation, son licenciement pour faute grave était donc justifié.

Les modes de management nocifs ou brutaux sévèrement sanctionnés

Relevons qu’au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, un mode de management nocif ou brutal peut constituer en lui-même une faute grave :

-même si l’employeur n’invoque pas une violation par le manager de son obligation de sécurité ;

-même s’il ne constitue pas un harcèlement moral.

Ainsi, le licenciement pour faute grave a été retenu à l’encontre de managers qui avaient adopté un « mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de [leurs] subordonnés » (cass. soc. 14 février 2024, n° 22-14385 D ; cass. soc. 8 février 2023 n° 21-11535 D).

Cass. soc. 26 février 2025, n° 22-23703 D