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Épargne salariale

Partage de la valeur : de nouvelles obligations pour les entreprises réalisant un certain niveau de bénéfice

Le projet de loi de Partage de la valeur, qui sera définitivement adopté le 22 novembre, prévoit des mesures visant à obliger les entreprises de 11 salariés et plus réalisant un certain niveau de bénéfices à en partager les fruits avec leurs salariés. La nature des obligations varie selon l’effectif de l’entreprise. [NDLR 23/11/2023 : la loi a été définitivement adoptée le 22 novembre 2023. Elle entrera en vigueur après publication au Journal officiel, sous réserve d'un éventuel contrôle du Conseil constitutionnel s'il est saisi du texte]

Le texte définitif du projet de loi est connu

Lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est tenue au Sénat le 15 novembre, sénateurs et députés se sont accordés sur un texte commun.

Ce texte, voté par le Sénat le 16 novembre, sera définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 22 novembre.

Restera ensuite l’éventuel passage devant le Conseil constitutionnel puis la publication au JO.

Entreprises de 11 à moins de 50 salariés : obligation « expérimentale » de partage de la valeur en cas de bénéfice

Partage de la valeur obligatoire en cas de bénéfice net fiscal d’au moins 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs. - Dans les entreprises de moins de 50 salariés, il n’existe pas de dispositif obligatoire de partage de la valeur (la participation n’est obligatoire qu’à partir de 50 salariés, l’intéressement et les plans d’épargne sont facultatifs). En pratique, ils sont donc assez peu répandus.

Pour développer le partage de la valeur dans ces entreprises, une expérimentation est lancée pour obliger les entreprises de 11 à moins de 50 salariés à se doter d’un dispositif de partage de la valeur lorsqu’elles ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs (projet de loi, art. 5).

À noter : à la lettre du texte, l’obligation concerne les entreprises d’au moins 11 salariés qui ne sont pas tenues de mettre en place un dispositif de participation. Schématiquement, cela vise donc les entreprises de 11 à moins de 50 salariés, si on met à part le cas des entreprises qui viennent de franchir le seuil de 50 salariés et sont en période d’atténuation d’effet de seuil, ou celles qui au contraire sont assujetties à la participation car appartenant à une UES de 50 salariés et plus. Sur ces cas particuliers, des précisions seront les bienvenues.

Le texte exclut deux catégories d'employeurs du champ de ce dispositif expérimental :

-les entrepreneurs individuels, y compris les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) encore existants ;

-les sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO) qui versent un dividende à leurs salariés au titre de l’exercice écoulé et dont le taux d’intérêt sur la somme versée aux porteurs d’actions de capital est égal à 0 % (c'est-à-dire qu'elles n’ont pas fait usage de la possibilité de verser un dividende prioritaire proportionnel au capital social aux actionnaires en capital).

Expérimentation et 5 ans. - Cette expérimentation sera menée sur une période de 5 ans à compter de la promulgation de la loi.

À compter du 1er janvier 2025. - L'obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur s’appliquera aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024, soit à compter du 1er janvier 2025.

Pour chaque exercice, la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal s’appréciera sur la base des trois exercices précédents (par exemple, pour l’exercice 2025, on regardera les exercices 2022, 2023 et 2024).

Dispositifs de partage de la valeur mobilisables. - Pour remplir leur obligation, les entreprises disposeront de quatre possibilités :

-soit se doter d'un régime de participation ou d'intéressement selon les modalités prévues par le code du travail : application d'un dispositif de participation ou d'intéressement conclu au niveau de la branche (c. trav. art. L. 3322-9 et L. 3312-8), mise en place volontaire de la participation (c. trav. art. L. 3323-6), mise en place d'un dispositif d'intéressement (c. trav. art. L. 3312-5) ;

-soit mettre en place le dispositif expérimental de participation dérogatoire prévu par le projet de loi (voir notre actu du même jour, « Partage de la valeur : les aménagements apportés à la participation, à l’intéressement et aux plans d’épargne ») ;

-soit abonder un plan d’épargne, mis en place au niveau de l’entreprise ou interentreprises (PEE, PEI, PERCO, PERCO-I, PERE-CO, PERE-CO-I) ;

-soit verser une prime de partage de la valeur (voir notre actu du même jour, « Partage de la valeur : ce qui change pour la prime de partage de la valeur »).

L’entreprise est réputée satisfaire à l’obligation lorsqu’elle applique un des dispositifs de partage de la valeur énumérés ci-avant au titre de l’exercice considéré.

Entreprises de 50 salariés et plus : partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel

Négociation obligatoire sur le partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel. - La nouvelle obligation vise les entreprises tenues de mettre en place la participation (en substance, les « 50 salariés et plus ») et disposant d’au moins un délégué syndical (projet de loi, art. 8 ; c. trav. art. L. 3346-1 nouveau).

Lorsqu’elles ouvriront une négociation pour mettre en œuvre un dispositif de participation ou d’intéressement, les discussions devront également sur :

-la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice (au sens de la participation : c. trav. art. L. 3324-1, 1°) ;

-et les modalités de partage de la valeur qui en découlent pour les salariés.

À noter : en visant les entreprises soumises à l'obligation de mettre en place la participation, le projet de loi pourrait aussi viser celles qui, quel que soit leur effectif, appartiennent à une unité économique et sociale de 50 salariés et plus, puisque dans ce cas, l'effectif d'assujettissement à la participation s'apprécie au niveau de l'UES (c. trav. art. L. 3322-2). L'administration précisera sans doute ce cas.

Qu’est-ce qu’un bénéfice exceptionnel ? - Pour encadrer la négociation visant à définir ce qu'est une « augmentation exceptionnelle » du bénéfice, la loi précise que celle-ci prendrait en compte des critères tels que (projet de loi art. 8) :

-la taille de l’entreprise ;

-le secteur d’activité ;

-les bénéfices réalisés lors des années précédentes ;

-les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice ;

-la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions gratuites d’actions aux salariés.

Quel partage de la valeur prévoir ? - La négociation devant aussi porter sur les conséquences d'un bénéfice exceptionnel pour les salariés, la loi précise que le partage de la valeur pourra se traduire soit par le versement d'une somme, soit par l'ouverture de nouvelles négociations. Le tableau ci-après récapitule les options possibles.

Contreparties possibles à un bénéfice exceptionnel
❶ Versement d’un supplément de participation au titre de l’exercice clos (c. trav. art. L. 3324-9).
❷ Versement d’un supplément d’intéressement au titre de l’exercice clos (ce qui suppose que l'entreprise soit dotée d'un dispositif d’intéressement) (c. trav. art. L. 3314-10).
❸ Ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet de :

-mettre en place un dispositif d’intéressement s’il n’en existe pas ;

-verser un supplément d’intéressement ou de participation (étant rappelé que ces suppléments ne peuvent être décidés que si l’accord d’intéressement ou de participation a déjà donné lieu à un versement au titre de l’exercice considéré) ;

-verser un abondement à un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, PERCO, PERCO-I, PERE-CO ou PERE-CO-I) ;

-ou verser une prime de partage de la valeur (voir notre actu du même jour, « Partage de la valeur : ce qui change pour la prime de partage de la valeur »).

Quelles entreprises échappent à la nouvelle obligation ? – Deux catégories d’employeurs échapperont à la nouvelle obligation de négociation sur le partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel :

-les entreprises qui ont mis en place un accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ;

-celles qui ont mis en place un régime de participation sur une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale.

À partir de quand ? - Ce dispositif entrera en vigueur en même temps que la loi, à savoir dès le lendemain de sa publication de la loi.

Les entreprises appliquant déjà un accord d’intéressement ou de participation à la date de promulgation de la loi (date de signature) devront engager une négociation sur la définition du bénéfice exceptionnel et le partage de la valeur qui en découle avant le 30 juin 2024.

Associations, fondations, coopératives et mutuelles de 11 salariés et plus

Le projet de loi contient une expérimentation spécifique à certaines des structures relevant de l'économie sociale et solidaire (ESS), en l'occurrence les personnes morales de droit privé constituées sous forme de fondations ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (ou par le code civil local d'Alsace-Moselle), de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, qui emploient au moins 11 salariés (projet de loi, art. 6).

À noter : ces structures dégagent non pas des bénéfices, mais des excédents au capital, et obéissent aux principes de non-lucrativité ou de lucrativité limitée. La plupart de ces structures, de par leur activité, ne génèrent donc pas de bénéfice net fiscal.

Pour les employeurs, cette expérimentation est néanmoins subordonnée à ce qu'un accord de branche étendu le permette.

Il est donc prévu que celles de ces structures employant au moins 11 salariés, qui ne déclarent pas de bénéfice net fiscal et qui ont réalisé un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes pendant trois exercices consécutifs, seront obligées d’instituer un dispositif de partage de la valeur au cours de l’exercice suivant (mise en place de l’intéressement, abondement d’un plan d’épargne, versement d’une PPV).

À noter : les employeurs mettant en œuvre et appliquant au titre de l’exercice considéré un de ces dispositifs sont considérés comme satisfaisant déjà à leur obligation. Ceux appliquant un dispositif de participation au titre de l'exercice considéré ne sont pas soumis à ce dispositif expérimental.

L'expérimentation sera menée sur une période de 5 ans à compter de la promulgation de la loi.

L'obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur s’appliquera aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024, soit à compter du 1er janvier 2025. Pour chaque exercice, la condition relative à la réalisation du résultat excédentaire s’appréciera sur la base des trois exercices précédents (par exemple, pour l’exercice 2025, on regardera les exercices 2022, 2023 et 2024).

Partage de la valeur : les autres volets du projet de loi
En plus de ce volet relatif aux nouvelles obligations de partage de la valeur dans les entreprises en cas de bénéfice, le projet de loi comprend :

-un volet relatif aux améliorations apportées à la prime de partage de la valeur, à lire dans notre article du 16/11/2023 « Partage de la valeur : ce qui change pour la prime de partage de la valeur » ;

-un volet relatif à la création d'un plan de partage de la valorisation de l’entreprise, à lire dans notre article du 16/11/2023 « Partage de la valeur : un nouveau dispositif, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise » ;

-un volet relatif aux mesures destinées à compléter, simplifier et rendre plus attractifs les mécanismes d'épargne salariale, à lire dans notre article du 16/11/2023 « Partage de la valeur : les aménagements apportés à la participation, à l’intéressement et aux plans d’épargne ».

Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, texte définitif 22 novembre 2023 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0187_texte-adopte-provisoire.pdf