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PLFSS et PLF 2025 : le gouvernement devrait repartir de l’existant

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale initié par le gouvernement Barnier, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale suite à la motion de censure votée le 4 décembre 2024, pourrait connaître une « deuxième jeunesse ». Moyennant sans doute un « lifting » pour éviter une nouvelle motion de censure. Côté projet de loi de finances, l'examen du texte par le Sénat, qui avait été suspendu par la censure, devrait reprendre.

Un PLFSS rejeté après accord en CMP

L’année 2025 commence sans loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

Bref rappel des faits, sachant que suite à la dissolution de l'Assemblée nationale de juin 2024 et aux élections législatives qui ont suivi, tout cela se déroule sur fond d'une Assemblée fragmentée en trois grands blocs dont aucun ne détient à lui seul la majorité absolue.

❶ Le gouvernement Barnier a déposé un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) le 10 octobre 2024.

❷ L'Assemblée nationale n'ayant pu achever son examen en première lecture dans les temps (5 novembre, minuit), le gouvernement a transmis son texte initial au Sénat, agrémenté de quelques amendements qu'il avait retenus (voir notre actu du 08/11/2024, « PLFSS 2025 : le texte du gouvernement amendé transmis au Sénat le 8 novembre  »).

❸ Le Sénat a ensuite examiné et amendé le texte, pour voter un texte « à sa main » le 26 novembre (voir notre actu du 25/11/2024, « PLFSS 2025 au Sénat : les principaux amendements « paye », avant le vote solennel sur l’ensemble du texte le 26 novembre  »).

❹ Un compromis sur un texte commun a été trouvé en commission mixte paritaire (CMP), réunissant 7 députés et 7 sénateurs (voir notre actu du 02/12/2024, « PLFSS 2025 : les principales modifications apportées aux mesures paye en commission mixte paritaire »).

Quand un accord est trouvé en CMP, le texte élaboré est traditionnellement voté définitivement par l'Assemblée nationale et le Sénat sans difficulté.

❺ Sauf que cette fois, le PLFSS a buté sur une des deux motions de censure déposées en réaction à la mise en œuvre de l’article 49 al 3 de la Constitution, que le gouvernement avait actionné pour faire passer le projet de loi à l’Assemblée nationale.

Le 4 décembre 2024, l'Assemblée a en effet adopté la motion de censure déposée par les députés du Nouveau front populaire (NFP), sur laquelle se sont également portées les voix des députés du Rassemblement national (331 voix pour la motion de censure, là où 288 voix auraient suffi).

Conséquence directe : le texte CMP du PLFSS 2025 a été considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, Michel Barnier ayant par ailleurs été contraint de présenter la démission de son gouvernement.

Une loi spéciale pour parer au plus pressé

Face à l'impossibilité d'adopter des lois de budget avant la fin 2024, l'exécutif a présenté au Parlement une loi spéciale, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat, qui vise simplement à parer au plus pressé : autoriser les pouvoirs publics à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année et, côté social, donner les autorisations d’emprunts nécessaires à la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales (loi 2024-1188 du 20 décembre 2024, JO du 21).

Mais cela ne remplace pas une loi de financement de la sécurité sociale en bonne et due forme.

Au gouvernement Bayrou de relever le gant

C’est maintenant au gouvernement de François Bayrou de s’attaquer au chantier de la LFSS 2025.

Plutôt que de tout recommencer de zéro en déposant un nouveau projet de loi, l’exécutif entend a priori repartir du texte qui était en cours de discussion, en l’amendant de façon à limiter autant que faire se peut le risque de censure. Dans cette formule, l’exécutif sera tenu par la règle de « l’entonnoir » (voir encadré).

Pour « écouter l’ensemble des forces politiques et travailler dans le dialogue et la coconstruction », l’exécutif a convié l’ensemble des présidents des groupes parlementaires à un temps d’échange sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale au ministère du Travail, les premiers échanges se déroulant dès la semaine du 6 janvier (communiqué de presse du 6 janvier 2025). En clair, il s’agit de déminer suffisamment le terrain pour échapper à une censure et avancer.

L’objectif : un projet de loi définitivement voté d’ici la fin février 2025.

À noter : techniquement, si le gouvernement repart du texte existant, les discussions sur le PLFSS devraient reprendre à l'Assemblée nationale sur la base de la version du projet de loi adoptée par le Sénat fin novembre (comme s'il n'y avait pas eu d'accord en CMP), si l'on en croit le site de l'Assemblée (voir § III-2 de la fiche https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/synthese/fonctionnement-assemblee-nationale/travail-legislatif/la-procedure-legislative). L'Assemblée pourra le modifier en votant des amendements émanant de députés ou du gouvernement.

Le contexte budgétaire n’ayant pas changé, pour ce qui concerne la paye, on devrait voir revenir sur la table la question des allégements généraux de cotisations patronales, le cas échéant dans une version remaniée.

Mais quid des autres mesures qui étaient envisagées, comme par exemple la révision à la baisse des exonérations de cotisations salariales et de CSG/CRDS dont bénéficient les apprentis, ou encore le relèvement de 20 % à 30 % de la contribution patronales due au titre des attributions gratuites d’actions ?

L’avenir nous le dira.

Pour mémoire, le nouveau Premier ministre devrait faire sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale le 14 janvier 2025. Après quoi on pourra entrer dans le vif du sujet au Parlement.

Et du côté du projet de loi de finances ?

Traditionnellement, le projet de loi de finances (PLF) contient également son lot de mesures ayant un impact en RH ou en paye (grilles de taux neutres de prélèvement à la source, certaines dispositions relatives à des exonérations, notamment).

En l'état, l'examen du projet de loi initiée par le gouvernement Barnier, qui était en cours au Sénat, a été suspendu par la motion de censure votée le 4 décembre 2024.

Le Sénat va reprendre l'examen du texte en séance publique à partir du 15 janvier 2025. Là encore, il est probable que le gouvernement tentera de le faire évoluer, pour tenir compte des échanges engagées avec les partis politiques représentés au Parlement.

Pour mémoire, avant que la censure n'en suspende l'examen, les mesures sociales suivantes étaient au menu du projet de loi de finances 2025 :

-le texte initial prévoyait de prolongation d'un an (jusqu'à la fin 2027) du dispositif des bassins d’emploi à redynamiser et sécurisation, pour quelques années, de la situation des communes autrefois en zones de revitalisation rurale (ZRR) mais non reclassées dans les nouvelles zones France Ruralités Revitalisation (ZFRR) (voir notre actu du 14/10/2024, « Bassins d'emploi à redynamiser, communes autrefois en ZRR non reclassées en ZFRR : du neuf en paye dans le PLF 2025 ») ;

-le Sénat avait voté des amendements sur les rachats de jours de repos, les exonérations attachées au pourboires, et une indemnité de rupture spécifique (voir notre actu du 27/11/2024, « Rachat de jours de repos, pourboires, indemnités de rupture : le Sénat amende le PLF 2025 ») ;

-contre l'avis du gouvernement, le sénat avait voté un amendement pour prolonger sur 2025 la règle dérogatoire permettant aux employeurs d'aller au-delà de la prise en charge obligatoire de 50 % du titre d'abonnement aux transports publics ou de services publics de vélo, en bénéficiant sur la fraction allant de 50 % à 75 % du même régime social et fiscal que pour la prise en charge obligatoire de 50 %.

La règle de l’entonnoir
Selon la règle de l’« entonnoir », après la première lecture, les amendements doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, les seules exceptions concernant les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle.
Cette règle proscrit donc le dépôt d’amendements portant sur des articles qui ne sont plus en discussion ou qui sont dépourvus de lien direct avec une disposition restant en discussion.

Communiqué de presse du 6 janvier 2025 du ministère du Travail, de la santé, des solidarités et des familles ; Les 4 Vérités (France 2) avec Amélie de Montchalin du 6 janvier 2025