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Vie des affaires

Responsabilité des dirigeants

Le gérant d'une SCI ne peut justifier ses actes par un objet social implicite

Le gérant d’une SCI peut être condamné à payer une indemnité à la société dès lors qu’il a occupé gracieusement une partie de ses locaux alors que l'objet social ne le prévoyait pas expressément.

Deux locaux occupés gratuitement après le divorce des associés

Un contrat d’occupation litigieux

Une société civile immobilière est détenue par un couple : madame possède 99% des parts et monsieur, nommé gérant, dispose d’une part. La SCI est propriétaire d’un immeuble dont le rez-de-chaussée est donné à bail commercial à une société dirigée par monsieur ainsi que de deux étages.

Douze ans après la création de la société, les associés divorcent et monsieur décide, en qualité de gérant, d’occuper les deux premiers étages de l’immeuble au titre d’un prêt à usage, lequel se caractérise par sa gratuité (c. civ. art. 1876).

Un an après, une assemblée générale est convoquée par un mandataire désigné judiciairement et décide de révoquer monsieur de ses fonctions de gérant et de le remplacer par madame.

Monsieur assigne alors la SCI en remboursement de son compte courant d’associés et la SCI réclame de son côté l’annulation du contrat de prêt à usage.

Un contrat non visé dans l’objet social

En appel, les juges estiment que ce contrat n’entrait pas dans l’objet social et aurait donc dû être autorisé par l’assemblée générale. Sa nullité est prononcée et l’ancien gérant est déclaré occupant sans titre. Il est en conséquence condamné à payer une indemnité d’occupation.

Il forme un pourvoi en cassation et soutient que les juges auraient dû rechercher si la conclusion d’un contrat à usage n’entrait pas, implicitement, dans l’objet social de la SCI.

Une occupation gratuite nécessitant une autorisation de l’assemblée générale

La Cour de cassation confirme la décision rendue en appel : l’objet social de la SCI ne visait pas expressément la mise à disposition gratuite de ses biens à ses associés. Par conséquent, le contrat de prêt à usage ne pouvait pas être valablement conclu par le gérant seul et nécessitait une autorisation de l’assemblée afin de modifier les statuts.

La Cour rejette les arguments de monsieur : les juges n’avaient pas à rechercher si ce type de contrat pouvait implicitement se déduire des termes de l’objet social.

En pratique, la détermination de l’objet social est particulièrement importante car elle conditionne l’étendue des pouvoirs des dirigeants vis-à-vis des tiers. Aussi, l’objet social doit-il être rédigé avec soin et ne pas être trop vague ou imprécis au risque d’incertitudes quant à l'étendue des pouvoirs du ou des gérants. De même, il ne doit pas non plus être trop précis afin de ne pas induire des modifications statutaires à la moindre évolution d'activité. De plus, il convient d’éviter un objet lié à la gestion d’un seul immeuble spécifiquement désigné car, en cas de vente de celui-ci, la société serait vidée de sa substance.

Pour aller plus loin :

Le mémento de la SCI, RF 2023-3, §§ 294, 297

Cass. civ. 3e ch., 2 mai 2024, n° 22-24503