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Résiliation judiciaire

Résiliation judiciaire : le classement sans suite d'une plainte pour viol n'empêche pas la reconnaissance d'une faute de l'employeur

Une salariée peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur même si sa plainte pour viol a été classée sans suite au pénal. Il n’est pas nécessaire que les manquements de l’employeur caractérisent une infraction pénale pour qu’ils soient considérés comme de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Une salariée invoque des faits de harcèlement sexuel et de viol pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur

Dans cette affaire, une salariée, engagée par contrat de professionnalisation à durée déterminée du 26 juin 2017 au 25 juin 2019, avait participé à un déplacement professionnel au mois de juillet 2017.

Au cours de ce déplacement, elle avait eu une relation sexuelle avec le président de la société, qui était également son tuteur, alors qu’ils avaient tous les deux consommé une grande quantité d'alcool.

Placée en arrêt maladie à compter du 30 septembre 2017, elle n'a jamais repris son poste et a intenté deux actions en justice contre son employeur :

-une plainte au pénal pour harcèlement sexuel et viol ;

-une action au civil devant le conseil de prud'hommes pour obtenir, en raison des mêmes faits, la résiliation judiciaire de son contrat de professionnalisation aux torts de l’employeur.

On rappelle en effet qu’un salarié peut obtenir la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée en cas de faute grave de l’employeur (c. trav. art. L. 1243-1 ; cass. soc. 14 janvier 2004, n° 01-40489, BC V n° 8 ; cass. soc. 22 juin 2022, n° 20-21411 FSB).

Le classement sans suite de la plainte de la salariée n’empêche pas la résiliation du contrat aux torts de l’employeur

La qualification de viol n’a pas été retenue dans le cadre de la procédure pénale et la plainte de la salariée a été classée sans suite.

Mais, au civil, la cour d’appel de Metz a reconnu l’existence d’une faute grave du président de la société justifiant la résiliation du contrat de la salariée à ses torts. La chambre sociale de la Cour de cassation confirme cette décision.

Reprenant les constatations des juges du fond, elle note que la salariée et l’employeur ne contestaient pas avoir eu une relation sexuelle lors d’un déplacement professionnel, à la suite d’une soirée où l’un et l’autre avaient consommé une grande quantité d’alcool.

Par ailleurs, selon une autre participante à ce déplacement, l’achat de bouteilles d’alcool était une initiative de président de la société. En outre, cette même participante avait relaté que, la veille, l’employeur avait tenté d’embrasser la salariée, qui l’avait repoussé.

La Cour de cassation approuve par conséquent la cour d’appel d’avoir considéré qu’au regard du lien de subordination existant entre les parties et du caractère professionnel du déplacement au cours duquel les faits avaient eu lieu, les griefs invoqués par la salariée étaient bien de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, peu important que la qualification de viol n'ait pas été retenue et que la plainte de la salariée ait été classée sans suite.

Cette faute grave justifiait ainsi la résiliation du contrat aux torts de l’employeur.

En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que les manquements de l’employeur caractérisent une infraction pénale pour qu’ils soient considérés comme de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

On rappelle en effet que, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, un classement sans suite constitue un acte dépourvu de l’autorité de la chose jugée, peu important le motif de ce classement sans suite (cass. soc. 19 février 2014, n° 13-14247 D).

À noter : bien que cette affaire concerne un contrat à durée déterminée, cette solution est, selon nous, transposable à la résiliation judiciaire d’un contrat à durée indéterminée.

Cass. soc. 22 mars 2023, n° 22-10007 FD : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047350596