Social
Harcèlement
Le licenciement d'un salarié harcelé moralement n'est pas nécessairement nul
Pour que le licenciement d'un salarié harcelé moralement soit nul, il est nécessaire que le salarié ait subi ou refusé de subir ce harcèlement moral. Et il faut également que les juges du fond aient caractérisé que le licenciement était motivé par le fait que le salarié a subi ou refusé de subir ce harcèlement. À défaut, le licenciement n'est pas nul.
Licenciement dans un contexte de harcèlement moral
En septembre 2017, une salariée est affectée au siège social d’une banque en qualité de responsable de projet après avoir occupé des fonctions de directrice d'agence.
Après avoir un entretien préalable à un éventuel licenciement le 19 octobre 2018, son licenciement disciplinaire pour cause réelle et sérieuse lui est notifié par une lettre du 12 novembre 2018.
Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée conteste la validité de son licenciement.
La cour d’appel déclare le licenciement nul, car la salariée a établi des faits permettant de laisser supposer un harcèlement moral et l’employeur n'établit pas que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement (c. trav. art. L. 1152-1 à L. 1152-3).
Pas nécessairement un licenciement nul
Protection du salarié contre le harcèlement. - Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou les avoir relatés (c. trav. art. L. 1152-1).
Si un salarié est licencié pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral, ce licenciement est nul (c. trav. art. L. 1152-3).
Conditions à la nullité du licenciement. - La Cour de cassation souligne dans cet arrêt que, pour que le licenciement d’un salarié harcelé moralement soit nul, il faut :
-que les juges du fond (conseil de prud’hommes et cour d’appel) aient établi une situation de harcèlement moral ;
-et que le salarié ait été licencié pour avoir subi ou refusé de subir ce harcèlement moral.
Si ce n’est pas le cas, le licenciement ne sera pas nul malgré le contexte.
Dans cette affaire, la cour d’appel avait coché le premier élément de la grille d’analyse, en considérant que la salariée avait effectivement été victime de harcèlement moral. Mais elle avait omis le deuxième élément : elle n’avait pas établi que son licenciement était dû à cette situation de harcèlement.
Concrètement, à la lecture de l’arrêt d’appel, on ne sait pas si l’on se trouve dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
-le motif disciplinaire n’était qu’un prétexte et il revenait alors aux juges du fond d’indiquer en quoi le vrai motif de licenciement était la situation de harcèlement moral pour pouvoir conclure à un licenciement nul ;
-le motif disciplinaire était bien à l’origine du licenciement, auquel cas soit ce motif était réel et sérieux et le licenciement devait être validé, soit il ne l’était pas et le licenciement devait être jugé sans cause réelle et sérieuse (mais pas nul).
En tout état de cause, le fait que la voie du licenciement soit fermée ne laisse pas pour autant la situation de harcèlement moral impunie : la salariée peut réclamer des dommages et intérêts à ce titre.
Cette affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Le harcèlement moral - rappels |
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Définition. - Les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel sont interdits (c. trav. art. L. 1152-1). L’obligation de l’employeur. - L’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral (c. trav. art. L. 1152-4). Il a sur ce point une obligation légale de sécurité (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Preuve du harcèlement. - Lors d’une action en justice, en matière de harcèlement moral (c. trav. art. L. 1154-1 ; cass. soc. 15 février 2023, n° 21-20572 FB) : -le salarié est tenu de présenter des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement ; -de son côté l’employer doit, compte tenu de ces éléments, prouver que les agissements en cause ne constituent pas un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge peut alors ordonner, si cela est nécessaire, des mesures d'instruction afin de pouvoir qualifier les faits et prendre sa décision. |
Cass. soc. 9 avril 2025 n° 24-11421 F-D