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Liberté d'expression

Le salarié qui multiplie des propos désobligeants et excessifs abuse de sa liberté d'expression

Pour caractériser un exercice abusif de la liberté d'expression, les juges doivent rechercher si les propos tenus par un salarié revêtent un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif. C’est ce principe qui vient d’être rappelé dans une affaire où un salarié avait tenu à l’égard de sa hiérarchie et de ses collègues des propos désobligeants et excessifs et de manière répétée.

Rappel sur la liberté d’expression et ses restrictions

Le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression sous réserve de ne pas commettre d’abus (cass. soc. 14 décembre 1999, n° 97-41995, BC V n° 488).

La liberté d’expression comporte des limites, à savoir :

-le respect des dispositions relatives à la presse (diffamation, injures, fausses nouvelles, propos excessifs, etc.) ;

-l’obligation de discrétion et de confidentialité.

L’employeur peut encadrer cette liberté d’expression seulement si les restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1 ; cass. soc. 14 décembre 1999, n° 97-41995, BC V n° 488).

Les litiges qui sont soumis aux tribunaux en matière de liberté d’expression interviennent généralement soit parce que le salarié a été licencié pour avoir abusé de sa liberté d’expression (ex. : propos racistes envers des collègues), soit parce qu’il a enfreint les limites posées par l’employeur quant à sa liberté d’expression.

Un consultant licencié pour avoir tenu des propos désobligeants et excessifs à l’égard de son manager et de ses collègues

Dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation, le salarié, consultant senior depuis le 5 février 2007, avait été licencié le 27 juin 2013, son employeur lui reprochant la tenue réitérée de propos irrespectueux à l’égard de sa hiérarchie et de ses collègues. Il avait notamment dit à son supérieur hiérarchique « que ce dernier lui avait fait une réponse bidon pas en correspondance avec le poste de manager, qu’il avait mis une semaine à répondre à une demande urgente, qu'il n'avait pas donné une réponse correcte à un membre de son équipe et qu'il aurait fallu assister tel client plus tôt ». Il avait également dit à deux de ses collègues que « telle situation relevait du cas n° 1, que depuis le temps ils devraient le savoir et qu'heureusement d'autres commerciaux étaient plus réactifs et aguerris ». Il avait déclaré à un autre « qu’une de leurs collègues consultantes ne prévenait ni le client ni le consultant sur site, tout en invitant son interlocuteur à trouver un nouveau consultant pour ce compte et à en parler au supérieur de la collègue en cause parce qu'elle n'avait pas retenu la leçon ».

Pour le salarié, il n’y avait pas d’abus de sa liberté d’expression caractérisant une faute justifiant un licenciement, ses propos n’étant ni diffamatoires, injurieux ou excessifs.

Des propos excessifs et récurrents constituent un abus de la liberté d’expression

La cour d’appel puis la Cour de cassation ont donné tort au salarié et ont considéré que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était bien justifié et que ses propos irrespectueux portaient une atteinte excessive à sa liberté d’expression.

La Cour de cassation relève que ses propos n’étaient pas justifiés par le contexte et qu’il avait fait l’objet d’un précédent avertissement motivé par son comportement et un mode de communication totalement inappropriés avec ses collègues de travail, son employeur l'ayant incité à avoir une attitude plus constructive dans ses relations de travail.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel avait bel et bien caractérisé le caractère désobligeant et excessif de ses propos à l’égard de sa hiérarchie et de ses collègues et donc un abus de sa liberté d’expression.

Cass. soc. 14 juin 2023, n° 21-21678 D