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Même sans péril imminent, un mandataire peut être désigné pour une mission ponctuelle dans la société

Un associé peut demander en justice la désignation d'un mandataire pour réaliser une opération ponctuelle, et ce même en l'absence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent. Pour la même raison, les faits nouveaux exigés pour solliciter une seconde fois la nomination d'un tel mandataire, si la demande a été rejetée par le passé, n'imposent pas non plus l'existence d'un péril imminent.

Désignation d'un mandataire pour une mission ponctuelle

Les associés peuvent demander en justice la désignation d’un mandataire, dit ad hoc, qui aura pour seule mission une opération ponctuelle (c. proc. civ. art. 873). La désignation d'un tel mandataire n'a pas pour effet de dessaisir le dirigeant de ses pouvoirs (cass. com. 15 mars 2017, n° 15-12742).

La mission confiée au mandataire ad hoc peut, par exemple, être limitée à un contrôle de la gestion des organes sociaux en place (cass. com. 19 avril 2005, n° 02-17133) ou encore convoquer une assemblée pour révoquer le gérant (cass. com. 6 février 2019, n° 16-27560).

La société doit-elle être en danger pour désigner un mandataire ad hoc ?

Un associé sollicite la désignation d'un mandataire ad hoc. - Une SARL comprend deux associés, son gérant est l’associé minoritaire, quant à l’associé majoritaire, il s’agit d’une société.

La SARL est engagée dans une procédure judiciaire l'opposant à ses fournisseurs, qui sont des filiales de l’associé majoritaire. Désirant mettre un terme à cette procédure, l’associé majoritaire envisage de nommer un nouveau gérant. Face à cette situation, le gérant en place demande en référé la désignation d’un mandataire qui aura pour mission de représenter la SARL dans le cadre du litige.

Nécessité d'un péril imminent pour la cour d'appel. - Le gérant n'obtient pas gain de cause devant la cour d'appel. Selon cette dernière, la nomination d'un mandataire ad hoc est une mesure exceptionnelle qui suppose l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

Les juges d'appel relèvent que certes, dans l'hypothèse où un nouveau gérant serait nommé, celui-ci pourrait décider d'arrêter les poursuites engagées contre les fournisseurs de la SARL. Pour autant, ce choix ne serait pas de nature à mettre en péril les intérêts sociaux de la société. De ce fait, la désignation d'un mandataire ad hoc n'est pas justifiée.

Censure de la Cour de cassation. - La décision d'appel est cassée par la Cour de cassation.

En effet, la désignation en référé d’un mandataire ad hoc n’est pas subordonnée à l’existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent.

À noter. La Cour de cassation reprend ici la position qu'elle a déjà eu par le passé (cass. civ., 3e ch., 21 juin 2018, n° 17-13212 ; cass. com. 13 janvier 2021, nos 18-24853 et 19-11302). Dès lors que les associés agissent à des fins légitimes et dans l'intérêt de la société, un mandataire peut être désigné par le juge et celui-ci n'a pas à en apprécier l'opportunité (cass. com. 6 février 2019, n° 16-27560 ; cass. com. 15 décembre 2021, n° 20-12307). Par opposition, l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent est exigée lorsque les associés sollicitent la nomination d'un administrateur provisoire (cass. com. 14 octobre 2020, n°18-20240). En effet, cette désignation entraîne le dessaisissement du dirigeant (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 2006, n°05-15393).

La solution est-elle la même en cas d'une nouvelle demande ?

Une nouvelle demande de désignation. - Dans cette même affaire, le gérant et associé minoritaire avait également sollicité la nomination d'un mandataire aux fins de représenter son co-associé majoritaire et de voter en ses lieu et place aux assemblées générales.

Sa demande avait été rejetée par un arrêt de la cour d’appel du 18 octobre 2016.

Le 7 février 2020, ce gérant a saisi une nouvelle fois le président du tribunal de commerce en vue de désigner un mandataire avec la même mission.

Des faits nouveaux sans péril imminent. - La cour d'appel a également rejeté cette demande. En effet, pour les juges, aucun fait nouveau ne permettait d'établir que l’associé majoritaire ne pouvait pas voter aux assemblées et alors entravait le bon fonctionnement de la société, ni de justifier l’existence d’un péril imminent.

Là encore, la Cour de cassation a censuré. Les circonstances nouvelles n’imposent pas un fonctionnement anormal de la société ou la menace d’un péril imminent.

Pour aller plus loin :

« Le mémento de la SARL et de l’EURL », RF Web 2022-2, § 712

« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF Web 2021-3, § 477

« Le memento de la SA non cotée », RF Web 2021-5, § 442

Cass. com. 21 septembre 2022, n° 20-21416