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Loyers commerciaux

Covid-19 : une clause de bail peut-elle justifier la suspension des loyers pendant les fermetures imposées ?

Non, répond la Cour de cassation, une clause du bail ne permet pas au commerçant d’échapper au paiement des loyers durant les périodes de fermeture administrative, dès lors que la suspension des loyers n’y est prévue qu’en cas de circonstances exceptionnelles « affectant le local ».

De nombreux contentieux relatifs aux loyers commerciaux en sortie de crise sanitaire

On le sait, en raison de la crise sanitaire, l’État a interdit durant certaines périodes l’accueil du public dans de nombreux locaux commerciaux. Leur activité ayant ainsi été restreinte, les commerçants ont tenté d'échapper au paiement de leurs loyers durant ces mêmes périodes, ce qui a mené à des procès.

Toutefois, aucun des arguments soulevés jusqu'alors en justice par les commerçants (force majeure, mauvaise foi du bailleur, perte de la chose louée, manquement du bailleur à son obligation de délivrance) n'a convaincu la Cour de cassation.

Pour la Cour, les mesures gouvernementales de lutte contre la propagation du covid-19 ne sont tout simplement pas imputables au bailleur (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2022, nos 21-20190 et 21-20127) et ne peuvent pas écarter l’application du droit commun de la relation contractuelle (Cour de cassation, communiqué de presse du 30 juin 2022).

La Cour de cassation sollicitée une nouvelle fois sur la question

Des arguments classiques rejetés par la Cour

Deux exploitants de résidence de tourisme, dont le premier procès de l'un s'était soldé par un échec en juin 2022, se sont à nouveau tournés vers la justice pour échapper au paiement des loyers et charges durant les fermetures administratives décrétées par le gouvernement en période de covid-19.

L'un des exploitants soutenait devant les juges que l'impossibilité d'utiliser les locaux durant les fermetures conformément à leur destination contractuelle constituait non seulement une perte des lieux loués mais aussi un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Ces arguments - identiques aux précédents contentieux en la matière - ont été, sans surprise, balayés par la Cour de cassation (cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2022, n° 21-21867).

La nouvelle problématique soumise à la Cour de cassation

Mais - et c'est là la nouveauté de ces deux affaires - les exploitants invoquaient aussi la clause de suspension des loyers présente dans leur contrat de bail respectif.

Clause n°1 - Le contrat de l'une des résidence stipulait qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement des loyers serait suspendu, mais couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur. En l'espèce, aucun impayé n'avait toutefois été couvert par les assureurs (cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2022, n° 21-21867).

Clause n°2 - Le contrat de la seconde énonçait que « dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale (...), le loyer (...) ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » (cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2022, n° 22-12753).

Selon les deux exploitants, ces clauses leur permettaient de se libérer du paiement des loyers dus pour les périodes de fermeture administrative.

Les mesures de fermeture administrative n'affectent pas le local

La Cour de cassation se montre intransigeante et rejette, dans chaque affaire, le jeu de la clause contractuelle.

Pour la Cour, ces clauses ne peuvent jouer que si le bien est indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou encore s'il est affecté par la survenance de circonstances exceptionnelles. Or, les résidences se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués, qui n'ont subi aucun changement du fait des mesures du gouvernement prises pendant la crise sanitaire.

En outre, le jeu de la clause n° 1 était conditionné à la couverture, par les assureurs, des impayés, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

En pratique, il est rare que les baux autorisent le locataire à suspendre le paiement de ses loyers en raison de circonstances affectant son activité. Aussi est-il peu probable qu’un locataire obtienne un jour gain de cause devant la Cour de cassation, après avoir refusé de payer ses loyers en raison de l’épidémie de covid-19.

Pour aller plus loin :

«Le bail commercial - Baux particuliers - L'impact du covid 19», fiche « Le défaut de paiement des loyers lors des périodes d'interdiction d'ouverture », RF 2022-2, §§ 1040 et s.

Cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2022, nos 21-21867 et 22-12753