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Fiscal

Valeur locative des locaux industriels ou professionnels

Le lissage dégressif de la valeur locative de locaux est conforme à la Constitution

Le lissage dégressif en cas de changement de méthode de détermination de la valeur locative d'un local industriel ou d'un local professionnel (ou inversement) consécutif à un changement d'affectation de ce local n'a pas pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclurait une capacité contributive dont il ne disposerait pas. Rappelons que cette disposition, qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, s'applique également en matière de cotisation foncière des entreprises (CFE).

La disposition contestée

La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée selon les différentes méthodes d'évaluation définies par les articles 1495 à 1508 du code général des impôts (CGI art. 1494).

En cas de changement de méthode de détermination de la valeur locative d'un bâtiment ou terrain industriel en application des articles 1499-00 A ou 1500, la variation de la valeur locative qui en résulte fait l'objet d'une réduction dégressive sur plusieurs années (CGI art. 1518 A sexies, I).

Cette réduction s'applique également à la variation de la valeur locative résultant d'un changement d'affectation, au sens de l'obligation déclarative prévue à l’article 1406 du CGI, lorsque de tels locaux sont nouvellement affectés à un usage professionnel ou réciproquement. C’est cette disposition qu'une société entendait contester par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle reprochait à ces dispositions de prévoir, pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, un mécanisme de lissage de la variation de la valeur locative d'un local résultant d'un changement de son affectation et entendait faire reconnaître que lorsqu'une telle variation intervient à la baisse à la suite de la cessation de l'activité industrielle auparavant exercée dans ce local, l'application sur plusieurs années de ce mécanisme aboutirait à imposer le contribuable sur la base de critères qui ne seraient pas objectifs et rationnels et en considération d'une assiette fictive, décorrélée de ses facultés contributives. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel ne valide pas l'analyse de la société

Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le raisonnement du Conseil constitutionnel est le suivant.

En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 2018 qu'en prévoyant un lissage dans le temps de la variation de la valeur locative, en cas de baisse significative de cette valeur consécutive à un changement de méthode d'évaluation ou d'affectation du local concerné, le législateur a entendu, dans un objectif de rendement budgétaire, atténuer la perte immédiate de ressources en résultant pour les collectivités territoriales.

Il était loisible au législateur de prévoir, en cas de changement de méthode de détermination de la valeur locative consécutif à un changement d'affectation, que la variation de cette valeur est réduite progressivement pendant une période transitoire. Or :

-d'une part, ce lissage ne s'applique que lorsque la variation de la valeur locative est significatifve. Cette variation doit excéder 30 % de la valeur locative antérieure ;

-d'autre part, la réduction de cette variation s'applique, de manière dégressive sur une durée de six années.

Enfin, lorsque l'exploitant change pendant l'application de la réduction ou lorsque le bâtiment ou le terrain change notamment de consistance, d'affectation ou d'utilisation, le lissage cesse de s'appliquer pour les impositions établies au titre de l'année suivante.

En retenant de telles conditions pour la réduction de la variation de la valeur locative en cas de changement d'affectation prévu par les dispositions contestées, quand bien même la variation de cette valeur interviendrait à la baisse, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi.

En second lieu, l'imposition reste assise sur la valeur locative du local concerné, y compris au cours de la période durant laquelle s'applique le mécanisme de lissage prévu par les dispositions contestées.

Ainsi, ces dispositions n'ont pas pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclurait une capacité contributive dont il ne disposerait pas.

La décision

Le Conseil constitutionnel écarte le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et déclare les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, conformes à la Constitution.

Pour aller plus loin :

« CFE/CVAE/Taxes foncières », RF 1157, §§ 1665 et s.

Décision n° 2025-1138 QPC du 7 mai 2025, JO du 8, texte 90