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L'entretien professionnel va céder la place à l'entretien de parcours professionnel
La réforme de l'entretien professionnel est en voie d'être définitivement adoptée par le Parlement, après l'adoption par le Sénat le 10 juillet 2025 du projet de loi qui transpose l'ANI sur les transitions et reconversions professionnelles du 25 juin 2025. Il faudra attendre la rentrée pour le vote définitif à l'Assemblée nationale. D'ores et déjà nous pouvons détailler le contenu de cette réforme, qui doit donner lieu à la naissance de « l'entretien de parcours professionnel » au régime modifié.
Transformation de l’entretien professionnel en entretien de parcours professionnel
Renforcer le rôle de l’entretien dans la carrière du salarié. - L’entretien professionnel, qui est actuellement organisé tous les 2 ans, avec un état des lieux réalisé tous les 6 ans, sera rénové.
Conformément à l’ANI signé par les partenaires sociaux le 25 juin 2025, il sera renommé « entretien de parcours professionnel ». Son contenu sera enrichi et sa périodicité modifiée dans l’objectif d’en faire un véritable outil de gestion de carrière du salarié.
Entretien au cours de la 1re année suivant l’embauche. - Première nouveauté, l’entretien de parcours professionnel devra être organisé dès la première année de l’arrivée du salarié dans l’entreprise.
Ainsi, lors de son embauche, le salarié sera informé qu’il bénéficiera d’un entretien de parcours professionnel avec son employeur au cours de la première année suivant son embauche (projet de loi, art. 3, I, D, 1°, a ; c. trav. art. L. 6315-1, I modifié).
Entretien tous les 4 ans avec un contenu complété. - La périodicité de principe du nouvel entretien de parcours professionnel est fixée à 4 ans (projet de loi, art. 3, I, D, 1°, a ; c. trav. art. L. 6315-1, I modifié). En clair, une fois passé l'entretien organisé au cours de la 1re année (voir ci-dessus), il doit en principe être organisé tous les 4 ans.
Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche pourra retenir une autre périodicité des entretiens, sans pouvoir être supérieure à 4 ans (par exemple tous les ans, tous les 2 ans ou tous les 3 ans, mais pas tous les 5 ans) (projet de loi, art. 3, I, D, 3° ; c. trav. art. L. 6315-1, III modifié).
Ainsi, tous les 4 ans dans la même entreprise (ou autre périodicité retenue par accord collectif), le salarié bénéficiera d’un entretien de parcours professionnel au cours duquel seront abordés les sujets suivants :
-les compétences du salarié et ses qualifications mobilisées dans l’emploi actuel ainsi que leur évolution possible au regard des transformations de l’entreprise ;
-sa situation et son parcours professionnels, au regard des évolutions des métiers et des perspectives d’emploi dans l’entreprise ;
-ses besoins de formation, qu’ils soient liés à son activité professionnelle actuelle, à l’évolution de son emploi au regard des transformations de l’entreprise ou à un projet personnel ;
-ses souhaits d’évolution professionnelle, avec la possibilité d’envisager une reconversion interne ou externe, un projet de transition professionnelle (CPF de transition), un bilan de compétences ou une validation des acquis de l’expérience (VAE) ;
-l’activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), les abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et le conseil en évolution professionnelle (CEP).
L’entretien devra être organisé par l’employeur et réalisé par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction de l’entreprise. Il se déroulera sur le temps de travail du salarié.
Comme aujourd’hui, il devra donner lieu à la rédaction d'un document dont une copie sera remise au salarié.
Des appuis pour préparer l’entretien. - Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le salarié pourra préparer l’entretien avec l’appui du conseil en évolution professionnelle (CEP) et l’employeur avec l’appui de son opérateur de compétences (OPCO). Dans ces mêmes entreprises, l’employeur pourra aussi être accompagné par un organisme externe si un accord de branche ou d’entreprise le prévoit (projet de loi, art. 3, I, D, 1°, c ; c. trav. art. L. 6315-1, I modifié).
Distinction d’avec l’entretien d’évaluation. - Comme c’est déjà le cas avec l’entretien professionnel, il est précisé que l’entretien de parcours professionnel ne devra pas porter sur l’évaluation du travail du salarié (projet de loi, art. 3, I, D, 1°, a ; c. trav. art. L. 6315-1, I modifié).
L’entretien de parcours professionnel ne doit donc pas être confondu avec l’éventuel entretien d’évaluation également organisé dans l’entreprise.
À noter : la Cour de cassation a admis pour l’entretien professionnel qu’il puisse avoir lieu le même jour que l’entretien d’évaluation, la loi n’exigeant pas de les tenir à des dates différentes, mais imposant seulement de distinguer leur contenu (cass. soc. 5 juillet 2023, n° 21-24122 FSB). À notre sens, cette jurisprudence a vocation à être maintenue au sujet du nouvel entretien de parcours professionnel.
Des entretiens au service du plan de développement des compétences. – Dans l’idée de faire des entretiens de parcours de professionnels un levier pour l’élaboration du programme de formation de l’entreprise, il est prévu que le plan de développement des compétences de l’entreprise pourra s’appuyer sur les conclusions des entretiens (projet de loi, art. 3, I, E ; c. trav. art. L. 6321-1 modifié).
Aménagement de l’entretien au retour de certaines périodes. - L’entretien de parcours professionnel devra toujours être proposé au retour de certains congés (maternité, adoption, parental, proche aidant, sabbatique), ainsi qu’à l’issue d’une période de mobilité volontaire sécurisée, d’une période d’activité à temps partiel, d’un arrêt longue maladie ou à l’issue d’un mandat syndical.
Toutefois, une précision nouvelle est apportée : l’entretien devra être proposé seulement si le salarié n’a bénéficié d’aucun entretien de parcours professionnel au cours des 12 derniers mois précédant sa reprise d’activité (projet de loi, art. 3, I, D, 1°, b ; c. trav. art. L. 6315-1, I modifié).
Exemple : si un salarié prend un congé sabbatique de six mois et qu’il a passé un entretien de parcours professionnel trois mois avant son départ en congé, l’employeur ne sera pas tenu de lui proposer un nouvel entretien à son retour.
Entretien d’état des lieux tous les 8 ans. - L'entretien qui doit permettre de dresser un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié sera organisé tous les 8 ans (au bout de 8 ans dans la même entreprise) (projet loi, art. 3, I, D, 2°, a et b ; c. trav. art. L. 6315-1, II modifié).
Une autre nouveauté est toutefois prévue : pour un nouveau salarié, le premier état des lieux après l’embauche pourra être réalisé 7 ans après l’entretien de la première année d’embauche (voir ci-avant).
Cet entretien d’état des lieux devra permettre de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des 8 dernières années des entretiens de parcours professionnels (périodiques, au retour de certaines périodes) et d'apprécier s'il a :
-suivi au moins une action de formation ;
-acquis des éléments de certification par la formation ou par une VAE ;
-bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.
À noter : par comparaison, dans le régime de l'entretien professionnel en vigueur à l'heure où nous rédigeons ces lignes, l'entretien d'état des lieux se déroule tous les 6 ans.
Abondement sanction du CPF. - Le mécanisme d’abondement correctif du compte personnel de formation (CPF) en cas de manquement de l’employeur à ses obligations sera maintenu et aménagé (projet de loi, art. 3, I, D, 2°, c et F ; c. trav. art. L. 6315-1, II et L. 6323-13 modifiés).
Applicable dans les entreprises d'au moins 50 salariés comme aujourd’hui, il sera mis en œuvre si l’employeur ne justifie pas que le salarié a bénéficié au cours des 8 dernières années des entretiens de parcours professionnels (périodiques, au retour de certaines périodes) et d’au moins une formation non obligatoire.
Des entretiens de parcours professionnels renforcés à mi-carrière et en fin de carrière
Entretien après la visite médicale de mi-carrière. - Afin d'anticiper le maintien en emploi du salarié en fin de carrière, l’entretien de parcours professionnel sera articulé avec la visite médicale de mi-carrière.
Pour rappel, la visite médicale de mi-carrière doit être organisée durant l’année civile des 45 ans du salarié ou à une autre échéance éventuellement définie par accord de branche. Elle permet de vérifier l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié et peut donner lieu, de la part du médecin du travail, à des propositions d’aménagement du poste ou du temps de travail au regard notamment de l’âge ou de l’état de santé physique et mental du salarié (c. trav. art. L. 4624-2-2).
Cette visite médicale de mi-carrière devra être suivie, dans les deux mois, d’un entretien de parcours professionnel (projet de loi art. 3, D, 4° ; c. trav. art. L. 6315-1 modifié).
Lors de cet entretien, les mesures le cas échéant proposées par le médecin du travail lors de la visite de mi-carrière devront être évoquées. Il est précisé à ce sujet que l’employeur ne pourra pas avoir accès aux données de santé du salarié (en revanche il aura les préconisations du médecin du travail).
L’entretien devra aussi porter sur son contenu habituel (voir ci-avant) et s’il y a lieu, sur l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail, la prévention des situations d’usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.
Le document écrit établi à l’issue de l’entretien récapitulera, sous forme de bilan, l’ensemble des éléments abordés.
Préconisations du médecin du travail pour les salariés seniors à examiner lors des entretiens ultérieurs. - La liaison entre le suivi de l'état de santé du salarié et l'entretien de parcours professionnel se poursuivra tout au long de la seconde partie de carrière du salarié.
Si le médecin du travail propose des mesures d'aménagement du poste de travail ou du temps de travail au regard, notamment, de l'âge ou de l'état de santé physique et mental du salarié, à l’issue des visites organisées après la visite de mi-carrière, la mise en œuvre de ces mesures devra être abordée lors de l’entretien de parcours professionnel (projet de loi art. 3, I, B ; c. trav. art. L. 4624-3 modifié).
En clair, l’entretien de parcours professionnel devra aborder pour les salariés seniors les éventuelles préconisations du médecin du travail formulées à l’issue de la visite d’information et de prévention (c. trav. art. L. 4624-1), de l’examen d’aptitude pour les salariés affecté à un poste à risques (c. trav. art. L. 4624-2) ou de la visite de reprise organisée après un congé de maternité ou certains arrêts de travail (c. trav. art. L. 4624-2-3).
Contenu renforcé de l'entretien à l'approche des 60 ans. - Lors du premier entretien de parcours professionnel qui interviendra dans les deux années précédant le 60e anniversaire du salarié, il faudra aborder, en plus des sujets habituels (voir ci-avant), les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive (projet de loi art. 3, D, 4° ; c. trav. art. L. 6315-1 modifié).
Entrée en vigueur
Députés et sénateurs se sont accordés sur une version commune du projet de loi lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie le 8 juillet 2025.
Ce texte de compromis a été voté le 10 juillet par le Sénat. Il reviendra à l’Assemblée nationale d’adopter définitivement la loi, mais ce sera après la période estivale, lors de la rentrée parlementaire de septembre (s’il y a une session extraordinaire) ou en octobre 2025.
Ce nouveau régime de l’entretien de parcours professionnel n’entrera en vigueur qu’ensuite, une fois la loi publiée au Journal officiel.
Relevons que des dispositions transitoires sont prévues pour les entreprises ou les branches couvertes par un accord collectif portant sur les entretiens professionnels. Celles-ci devront les renégocier afin de les mettre en conformité avec les nouvelles dispositions. En tout état de cause, le nouveau régime légal s’appliquera à compter du 1er octobre 2026 aux accords collectifs en cours de validité à cette date portant sur la périodicité des entretiens professionnels (projet de loi, art. 3, II).
Des informations à ajouter dans la BDESE |
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La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) mise à disposition du comité social et économique (CSE) devra intégrer un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l’issue des entretiens de parcours professionnels (projet de loi art. 3, I, A ; c. trav. art. L. 2312-18 modifié). Cette disposition sera d’ordre public. Elle ne pourra donc pas être négociée et aménagée par accord. |
Projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, texte CMP voté par le Sénat le 10 juillet 2025