Social
Contrat de travail
La suspension du contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social ne met pas fin à son obligation de loyauté
Lorsqu’un salarié devient mandataire social et que son contrat de travail est suspendu, il reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté. Il peut donc être licencié pour faute grave pour des manquements à cette obligations commis pendant la suspension de son contrat de travail. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation dans une affaire en date du 19 avril 2023.
Rappel sur le cumul mandat social et contrat de travail
Le cumul entre un contrat de travail et un mandat social est possible à la condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif (cass. soc. 7 mars 2018, n° 16-19577 D), c’est-à-dire :
-que les fonctions salariées soient nettement distinctes de celles de mandataire ;
-que l’intéressé se trouve dans une situation de subordination juridique vis-à-vis de la société ;
-qu’une rémunération spécifique soit versée au titre du contrat de travail.
Toutefois lorsque les conditions de cumul entre le mandat social et le contrat de travail ne sont pas remplies, le contrat de travail du salarié qui devient mandataire social est suspendu pendant ce mandat. Il reprend, en principe, effet lors de la cessation du mandat en question (cass. soc. 8 octobre 2003, n° 01-43556, BC V n° 253).
Un mandataire révoqué puis licencié pour faute grave
Dans cette affaire, un salarié, avait été engagé le 1er juin 2007 en qualité de directeur d’une société. Son contrat de travail avait été suspendu lorsqu’il avait été nommé directeur général par délibération du 17 avril 2013 du conseil d’administration de cette société.
Le 26 janvier 2017, le salarié a démissionné de son mandat de directeur général puis il est revenu sur sa démission pour proposer une rupture conventionnelle.
Finalement le 3 février 2017, le conseil d’administration de la société l’a révoqué de son mandat de directeur général.
Son contrat de travail a ensuite été rompu le 13 février 2017 par un licenciement faute grave pour manquement à son obligation de loyauté pour des faits commis pendant son mandat social donc pendant la suspension de son contrat de travail.
Le salarié a alors saisi les juges en faisant valoir l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement. Il a obtenu gain de cause devant la cour d’appel qui a notamment estimé que l’employeur n’avait ni invoqué, ni démontré que les griefs reprochés au salarié, bien que commis pendant la période de suspension du contrat de travail, étaient susceptibles de créer, après la révocation du mandat social, un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l'entreprise justifiant le licenciement et que ce salarié aurait manqué envers son employeur à son obligation de loyauté.
La société a alors contesté cette décision auprès de la Cour de cassation, avec succès.
Un salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté
Le salarié est soumis, à l’égard de son employeur, à une obligation de loyauté qui correspond à un devoir de fidélité, de confidentialité et de non-concurrence. Cette obligation doit être respectée tout au long de la durée du contrat de travail mais également, dans certains cas, après la cessation du contrat.
La Cour de cassation considère que pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté.
Après avoir rappelé que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs reprochés au salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, la Cour de cassation rappelle qu’il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La cour d’appel aurait donc dû déterminer si les faits invoqués dans la lettre de licenciement étaient constitutifs d'un manquement à l'obligation de loyauté dont le salarié était tenu en vertu du contrat de travail comme le soutenait l’employeur.
L’affaire est renvoyée devant la même cour d’appel autrement composée.
Cass. soc. 19 avril 2023, n° 20-16217 D