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Licenciement

Téléphoner à un salarié pour lui dire qu’il est licencié, ce n’est pas une bonne idée

L’employeur qui, le même jour, téléphone à un salarié pour lui annoncer qu’il est licencié, et lui envoie sa notification de licenciement par LRAR procède à un licenciement verbal. Le licenciement est d’office sans cause réelle et sérieuse. Ou comment le coup de fil d’une DRH (ou de l’employeur) peut coûter cher.

Licenciement : une décision formelle

Quel qu’en soit le motif (économique, personnel et, dans ce dernier cas, disciplinaire ou non), un licenciement doit être notifié par écrit et motivé (c. trav. art. L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42). La lettre de licenciement est donc un passage obligé.

La notification doit avoir lieu par écrit à l’aide d’un courrier recommandé avec avis de réception (LRAR) (c. trav. art. L. 1232-6, L. 1233-15 et L. 1233-42 selon le motif).

Lorsque l’employeur souhaite licencier un salarié pour motif personnel (ce qui était le cas dans l’affaire que nous évoquerons ici), il est tenu par une procédure précise : convocation à un entretien préalable, entretien préalable et notification du licenciement (c. trav. art. L. 1232-2 à L. 1232-6).

L’employeur ne doit pas indiquer sa décision de procéder à un licenciement pendant l’entretien (cass. soc. 15 novembre 1990, n° 88-42261, BC V n° 559).

La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, à savoir, en principe, au jour de l’envoi de la LRAR notifiant le licenciement.

Quand parle-t-on de licenciement verbal ?

On parle de licenciement verbal lorsque l’employeur a manifesté de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail avant de lui avoir notifié par écrit son licenciement.

Il peut avoir donné l’information directement au salarié avant l’entretien préalable, pendant ou après (cass. soc. 28 mai 2008, n° 07-41735 D), ou encore à d’autres personnes que le salarié durant une réunion se déroulant avant l’entretien préalable (cass. soc. 23 octobre 2019, n° 17-28800 D).

L’enchaînement est fatal : car qui dit licenciement verbal, dit licenciement non justifié, comme l’illustre une affaire juge le 3 avril 2024.

Appel téléphonique et envoi de la notification le même jour

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié prétendait avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le jour de l'envoi de la lettre de rupture.

En effet, l'employeur lui avait notifié son licenciement par LRAR postée le 7 février 2019. Mais le salarié avançait que ce même jour, la DRH l'avait appelé au téléphone en lui faisant part de son licenciement avant l'envoi de la lettre.

La cour d’appel avait relevé que :

-d’une part, le salarié rapportait la preuve qu'il avait été informé verbalement de son licenciement, à l'occasion d'une conversation téléphonique avec la DRH de l'entreprise ;

-d’autre part, que l'employeur faisait valoir « qu'il était convenable pour la société de prévenir l'intéressé de son licenciement par téléphone le jour même de l'envoi de la lettre de licenciement, afin de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail ».

Elle en avait conclu qu’il s’agissait d’un licenciement verbal. L’appel téléphonique de la DRH ne pouvait pas suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle avait été adressée le même jour, sous la signature de la DRH auteur de l'appel téléphonique.

Selon la Cour de cassation, les juges d’appel pouvaient donc conclure que ce licenciement verbal était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le licenciement verbal, une irrégularité irréparable

La décision de la Cour de cassation est dans le droit fil de sa jurisprudence habituelle.

Lorsque l’employeur a procédé à un licenciement verbal, il ne peut pas se rattraper. Il est inutile, d’adresser un écrit au salarié a posteriori (cass. soc. 9 mars 2011, n° 09-65441 D).

Ici, la Cour de cassation souligne que l’appel téléphonique passé par la DRH ne pouvait pas suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement. Peu importait que cet envoi ait eu lieu le même jour et que la lettre de notification soit signée de la DRH.

Le licenciement verbal est donc, comme cela est toujours jugé (cass. soc. 6 février 2013, n° 11-23738, BC V n° 31), un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À noter : la date de la rupture se situant le jour où l’employeur a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat, il n’y a pas de licenciement verbal lorsque l’employeur a envoyé la lettre de licenciement avant d’annoncer oralement au salarié son licenciement. Dans ce cas, le licenciement est considéré comme notifié par écrit, même si le salarié reçoit la lettre de licenciement après cette annonce (cass. soc. 6 mai 2009, n° 08-40395, BC V n° 123). Dans cette affaire, la LRAR avait été expédiée le 28 octobre. Le salarié, qui ne l’avait pas encore reçeu, s’était présenté à son travail le 30 octobre et avait rencontré un responsable qui lui avait dit de rentrer chez lui.

Cass. soc. 3 avril 2024, n° 23-10931 FD