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Emploi des seniors
Le contrat de valorisation de l'expérience, un nouveau type de CDI expérimental pour embaucher des seniors
Le nouveau CDI expérimental visant à favoriser l'embauche de seniors, appelé « contrat de valorisation de l'expérience », va prochainement voir le jour après l'adoption par le Sénat le 10 juillet 2025 du projet de loi qui transpose l'ANI Seniors de l’automne 2024. Pour l'Assemblée nationale, à qui il incombera de voter définitivement le texte, il faudra attendre la rentrée. Mais nous pouvons d'ores et déjà détailler le régime de ce nouveau contrat de travail.
Un nouveau type de CDI expérimental
La loi prévoit la création d’un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée (CDI), à titre expérimental, le « contrat de valorisation de l’expérience », qui pourra être conclu pendant une période de 5 ans après sa promulgation (projet de loi, art. 4).
En fonction de la date à laquelle la loi sera publiée, l’expérimentation devrait démarrer fin septembre ou début octobre 2025, et se poursuivre jusqu'en septembre/octobre 2030.
Seniors visés par le contrat de valorisation de l'expérience
Une entreprise pourra recourir au « contrat de valorisation de l’expérience » pour recruter une personne répondant à l’ensemble des conditions suivantes au moment de son embauche (projet de loi, art. 4, I) :
-avoir au moins 60 ans (ou l’âge fixé par une convention ou un accord de branche étendu dans une fourchette allant de 57 à 60 ans) ;
-être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de France Travail ;
-ne pas pouvoir encore bénéficier d’une pension de retraite à taux plein de droit propre (sauf exceptions, régimes spéciaux des marins, de l’Opéra national de Paris et des mines, pension militaire) ;
-ne pas avoir été employé par l’entreprise, ou dans une entreprise appartenant au même groupe), au cours des 6 mois précédents.
Pour ce dernier point, la notion de groupe s'entend comme le groupe formé par une entreprise et celles qu’elle contrôle dans des conditions définies par le code de commerce (voir c. com. art. L. 233-1, L. 233-3, I et II et L. 233-16).
Le cas échéant, une convention ou un accord de branche étendu pourra préciser les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat.
À noter : la condition de ne pas pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein implique à notre sens que le contrat de valorisation de l'expérience ne peut pas être utilisé pour recruter une personne ayant déjà atteint l'âge d'attribution automatique du taux plein (67 ans à l'heure où nous rédigeons ces lignes), ou une personne dont l'âge est compris entre l'âge légal de départ en retraite (62 à 64 ans selon les générations) bénéficiant de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein.
Document que le salarié devra remettre à l’employeur à la signature du contrat
Lors de la signature du contrat de valorisation de l’expérience, le salarié devra remettre à l’employeur un document transmis par l’Assurance retraite mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira, le cas échéant, les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Si cette date est ultérieurement réévaluée, le salarié devra en informer son employeur et lui transmettre une version actualisée de ce document (projet de loi, art. 4, II).
Le but est ici de donner à l’employeur une visibilité de la date à partir de laquelle il pourra, le cas échéant, le mettre à la retraite dans le cadre des dispositions spécifiques attachées au contrat de valorisation de l’expérience (voir plus loin).
Les salariés sous contrat de valorisation de l’expérience pourront être mis à la retraite plus facilement
En France, les règles de mise à la retraite d’un salarié par l’employeur sont strictes (c. trav. art. L. 1237-5 et D. 1237-2-1) :
-il est impossible de mettre un salarié à la retraite avant 67 ans ;
-entre 67 et 70 ans, l'employeur ne peut mettre à la retraite le salarié qu'avec son accord donné au terme d’une procédure d’interrogation chaque année ;
-ce n'est qu'à partir de 70 ans que la mise à la retraite d'office, sans accord du salarié, est autorisée.
Considérant que cela peut décourager l’embauche de seniors, une règle dérogatoire a été prévue dans le cadre du contrat de valorisation de l’expérience (projet de loi, art. 4, III).
L’employeur pourra mettre à la retraite un salarié qu'il emploie sous contrat de valorisation de l’expérience, sans avoir à recueillir son accord, à partir du moment où l’intéressé répond à l’une des conditions suivantes :
-avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite (compris entre 62 et 64 ans selon l’année de naissance) et disposer de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein ;
-ou avoir atteint l’âge légal d’attribution du taux plein automatique (67 ans à l’heure où nous rédigeons ces lignes).
L’employeur devra respecter un délai de préavis identique à celui prévu en cas de licenciement et verser au salarié une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (projet de loi, art. 4, IV).
À noter : si ni les conditions de la mise à la retraite dérogatoires attachées au contrat de valorisation de l’expérience, ni les conditions « de principe » de la mise à la retraite ne sont réunies, alors la rupture du contrat de travail par l'employeur s’analyse en un licenciement (à notre sens injustifié ou nul, s'il est uniquement motivé par l'âge du salarié) (projet de loi, art. 4, IV).
Pas de contribution de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite
L’employeur qui met un salarié à la retraite est en principe redevable d’une contribution patronale de 30 % due sur la fraction d'indemnité de mise à la retraite exonérée de cotisations de sécurité sociale (assujettie ou non à CSG/CRDS) (c. séc. soc. art. L. 137-12).
En cas de la mise à la retraite d'un salarié embauché sous contrat de valorisation de l’expérience, l’employeur sera exonéré de cette contribution patronale sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite versée au salarié (projet de loi, art. 4, V).
Cette exonération est prévue pour une durée de 3 ans suivant la publication de la loi. Cette limite est « techniquement » logique, car une loi ordinaire (comme l’est cette loi) ne peut pas prévoir une exonération pour plus de 3 ans (c. séc. soc. art. LO 111-3-16). Il faudra passer par une loi de financement de la sécurité sociale pour aller au-delà, et s’aligner sur la durée de l’expérimentation (étude d’impact, p. 43). Le sujet reviendra sans doute sur la table à l’occasion de la LFSS pour 2026.
Entrée en vigueur
Députés et sénateurs se sont accordés sur une version commune du projet de loi lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie le 8 juillet 2025.
Ce texte de compromis a été voté le 10 juillet par le Sénat. Il reviendra à l’Assemblée nationale d’adopter définitivement le texte, mais ce ne sera qu'à la rentrée parlementaire, en septembre (s’il y a une session extraordinaire) ou en octobre 2025.
La loi, et donc le contrat de valorisation de l’expérience, n’entreront en vigueur qu'ensuite, une fois le texte publié au Journal officiel.
Projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, voté par le Sénat le 10 juillet 2025, art. 4