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PLFSS 2025 : vers une seconde journée de solidarité camouflée sous un autre nom ?

Un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, déposé au Sénat au nom de la commission des affaires sociales, envisage de modifier le dispositif de la journée de solidarité effectuée par les salariés, en en doublant le volume horaire et en rebaptisant au passage le dispositif. Est également envisagée, côté patronal, une hausse de la contribution de solidarité pour l’autonomie. Pour autant, ce texte n’est pas encore applicable, et doit encore passer plusieurs étapes des débats parlementaires…

Impact paye de la journée de solidarité : rappel

Mise en place en 2004 dans le prolongement de la canicule de l’été 2003 (loi 2004-626 du 30 juin 2004, JO 1er juillet), la « journée de solidarité » se traduit, pour les salariés, par l’obligation d’accomplir une journée supplémentaire (ou une durée équivalente) de travail non rémunérée (voir Dictionnaire Paye, « Journée de solidarité »).

À noter : en son temps, ce dispositif a été rangé, par le Conseil d’État, au rang des obligations civiques normales (CE 9 novembre 2007, n° 293987).

Les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité sont fixées (c. trav. art. L. 3133-7, L. 3133-11 et L. 3133-12) :

-par accord collectif (accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, accord de branche) ;

-ou à défaut d’accord collectif, par l’employeur, après consultation du comité social et économique.

Il est possible de prévoir, pour la réalisation de cette journée (c. trav. art. L. 3133-11 et L. 3133-12) :

-soit le travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai (lundi de Pentecôte, jeudi de l’Ascension, etc.) ;

-soit le travail d’un jour de RTT ;

-soit toute autre modalité permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillées (ex. : travail d’un jour de congé conventionnel, fractionnement de la journée de solidarité en répartissant la durée correspondante sur plusieurs jours).

À noter : en Alsace-Moselle, il est également interdit de placer la journée de solidarité le premier ou le second jour de Noël ainsi que le Vendredi Saint (c. trav. art. L. 3134-16).

La non-rémunération de la journée de solidarité est toutefois encadrée dans les limites suivantes (c. trav. art. L. 3133-8) :

-7 h pour les salariés mensualisés ;

-une journée de travail pour les cadres ayant conclu des conventions de forfait en jours ;

-7 h proratisées à la durée de travail contractuelle pour les salariés à temps partiel.

A noter : Il est recommandé de faire apparaître clairement la journée de solidarité sur le bulletin de paye, de façon à pouvoir apporter la preuve qu’elle a bien été effectuée.

Une « contribution de solidarité par le travail » de 14 heures non rémunérées

Un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS) déposé au nom de la commission des affaires sociales, propose de modifier le système de la journée de solidarité, qui serait rebaptisé « Contribution de solidarité par le travail » et dont la durée serait doublée à cette occasion.

Cela étant, il ne faut pas s’y tromper : même si le nom change, la logique resterait là même.

Il est envisagé de passer de 7 h à 14 h de travail supplémentaire non rémunéré pour les salariés mensualisés à temps plein (à proratiser pour les salariés à temps partiel), et ce, afin de « renforcer le financement de la branche autonomie » selon l’objet de l’amendement déposé par la rapporteure générale Mme Doineau.

Le même principe s’appliquerait pour les cadres ayant conclu des conventions de forfait en jours, avec 2 jours de travail supplémentaire sans rémunération (au lieu de 1 actuellement).

Sans changement, les modalités d’accomplissement de ces heures seraient définies :

-par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche ;

-à défaut d’accord, par l’employeur, après consultation du CSE.

L’accord pourrait prévoir toute modalité permettant le travail de 14 heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises, à l’exception d’heures de travail effectuées le 1er mai.

Il n’est plus fait référence au travail d’un jour férié antérieurement chômé, mais dans la pratique, ce serait bien entendu toujours une possibilité (hors 1er Mai ainsi que, en Alsace-Moselle Vendredi saint, et 25 décembre).

Doublement de la contribution patronale de solidarité pour l’autonomie

La contribution solidarité autonomie (CSA) est une charge patronale due sur les rémunérations brutes soumises à cotisations de sécurité sociale (voir Dictionnaire Paye, « Contribution solidarité autonomie ; c. séc. soc. art. L. 137-40). Elle a été instituée par la loi de 2004, parallèlement à la création de la journée de solidarité.

La CSA est calculée au taux de 0,30 % et est exclusivement à la charge de l’employeur.

L’amendement précité propose d’augmenter le taux de la CSA à 0,6 %, toujours dans un objectif affiché d’aider la branche autonomie « à faire face à ses dépenses croissantes en matière d’aide aux personnes âgées dépendantes ou aux personnes en situation de handicap, dans un contexte de vieillissement inéluctable de la population française ».

Et maintenant ?

Cet amendement sera-t-il voté par le Sénat ? On le saura au terme des débats en séance publique, qui se tiendront au Palais du Luxembourg du 18 au 26 novembre 2024.

S’il est adopté au Sénat, restera également à voir le sort qui lui sera réservé dans la suite des débats parlementaires (commission mixte paritaire, etc.).

Des réalités très variées pour les salariés
Quel que soit le nom que l’on donne au dispositif (journée de solidarité ou contribution de solidarité par le travail), son esprit reste le même : travailler plus sans augmentation de rémunération, avec des réalités parfois très contrastées selon les modalités fixées par l’accord collectif ou la décision de l’employeur.
Si la réforme proposée par la commission des affaires sociales devait être votée, il y aura :

-ceux qui travailleront un jour férié précédemment chômé ou de RTT (et « perdront » donc un jour férié) ;

-ceux qui fractionneront les heures correspondantes en les répartissant ;

-voire les entreprises qui s’arrangeront avec le dispositif en fractionnant à l’extrême les heures, jusqu’à en faire quasiment « cadeau » à leurs salariés (on se souvient d’une grande entreprise publique qui avait lissé la journée de solidarité sur l’année a raison d’un peu moins de 2 mn en plus par jour…).

PLFSS 2025, amendement n° 129 déposé au nom de la commission des affaires sociales du Sénat https://www.senat.fr/amendements/2024-2025/129/Amdt_125.html